ce comme on le brave
Que d’épouser un roi dont il fait son esclave ?
Mais vous l’aimez.
Eh bien ! Si j’aime Valamir,
Je ne veux point de rois qu’on force d’obéir ;
Et si tu me dis vrai, quelque rang que je tienne,
Cet hymen pourrait être et sa perte et la mienne.
Mais je veux qu’Attila, pressé d’un autre amour,
Endure un tel insulte au milieu de sa cour :
Ildione par là me verrait à sa suite ;
À de honteux respects je m’y verrais réduite ;
Et le sang des Césars, qu’on adora toujours,
Ferait hommage au sang d’un roi de quatre jours !
Dis-le-moi toutefois : pencherait-il vers elle ?
Que t’en a dit Octar ?
Qu’il la trouve assez belle,
Qu’il en parle avec joie, et fuit à lui parler.
Il me parle, et s’il faut ne rien dissimuler,
Ses discours me font voir du respect, de l’estime,
Et même quelque amour, sans que le nom s’exprime.
C’est un peu plus qu’à l’autre.
Et peut-être bien moins.
Quoi ? Ce qu’à l’éviter il apporte de soins…
Peut-être il ne la fuit que de peur de se rendre ;
Et s’il ne me fuit pas, il sait mieux s’en défendre.
Oui, sans doute, il la craint, et toute sa fierté
Ménage, pour choisir, un peu de liberté.
Mais laquelle des deux voulez-vous qu’il choisisse ?
Mon âme des deux parts attend même supplice :
Ainsi que mon amour, ma gloire a ses appas ;
Je meurs s’il me choisit, ou ne me choisit pas ;
Et… Mais Valamir entre, et sa vue en mon âme
Fait trembler mon orgueil, enorgueillit ma flamme.
Flavie, il peut sur moi bien plus que je ne veux :
Pour peu que je l’écoute, il aura tous mes voeux.
Dis-lui… Mais il vaut mieux faire effort sur moi-même.
Scène II
Le savez-vous, seigneur, comment je veux qu’on m’aime ?
Et puisque jusqu’à moi vous portez vos souhaits,
Avez-vous su connaître à quel prix je me mets ?
Je parle avec franchise, et ne veux point vous taire
Que vos soins me plairaient, s’il ne fallait que plaire ;
Mais quand cent et cent fois ils seraient mieux reçus,
Il faut pour m’obtenir quelque chose de plus.
Attila m’est promis, j’en ai sa foi pour gage ;
La princesse des Francs prétend même avantage ;
Et bien que sur le choix il semble hésiter,
Étant ce que je suis j’aurais tort d’en douter.
Mais qui promet à deux outrage l’une et l’autre.
J’ai du coeur, on m’offense, examinez le vôtre.
Pourrez-vous m’en venger, pourrez-vous l’en punir ?
N’est-ce que par le sang qu’on peut vous obtenir ?
Et faut-il que ma flamme à ce grand coeur réponde
Par un assassinat du plus grand roi du monde,
D’un roi que vous avez souhaité pour époux ?
Ne saurait-on sans crime être digne de vous ?
Non, je ne vous dis pas qu’aux dépens de sa tête
Vous vous fassiez aimer, et payiez ma conquête.
De l’aimable façon qu’il vous traite aujourd’hui
Il a trop mérité ces tendresses pour lui ;
D’ailleurs, s’il faut qu’on l’aime, il est bon qu’on le craigne.
Mais c’est cet Attila qu’il faut que je dédaigne.
Pourrez-vous hautement me tirer de ses mains,
Et braver avec moi le plus fier des humains ?
Il n’en est pas besoin, madame : il vous respecte,
Et bien que sa fierté vous puisse être suspecte,
À vos moindres froideurs, à vos moindres dégoûts,
Je sais que ses respects me donneraient à vous.
Que j’estime assez peu le sang de Théodose
Pour souffrir qu’en moi-même un tyran en dispose,
Qu’une main qu’il me doit me choisisse un mari,
Et me présente un roi comme son favori !
Pour peu que vous m’aimiez, seigneur, vous devez croire
Que rien ne m’est sensible à l’égal de ma gloire.