Régnez comme Attila, je vous préfère à lui ;
Mais point d’époux qui n’ose en dédaigner l’appui,
Point d’époux qui m’abaisse au rang de ses sujettes.
Enfin, je veux un roi : regardez si vous l’êtes ;
Et quoi que sur mon coeur vous ayez d’ascendant,
Sachez qu’il n’aimera qu’un prince indépendant.
Voyez à quoi, seigneur, on connaît les monarques :
Ne m’offrez plus de voeux qui n’en portent les marques ;
Et soyez satisfait qu’on vous daigne assurer
Qu’à tous les rois ce coeur voudrait vous préférer.
Scène III
Quelle hauteur, Flavie, et que faut-il qu’espère
Un roi dont tous les voeux…
Seigneur, laissez-la faire :
L’amour sera le maître ; et la même hauteur
Qui vous dispute ici l’empire de son coeur,
Vous donne en même temps le secours de la haine
Pour triompher bientôt de la fierté romaine.
L’orgueil qui vous dédaigne en dépit de ses feux
Fait haïr Attila de se promettre à deux ;
Non que cette fierté n’en soit assez jalouse
Pour ne pouvoir souffrir qu’Ildione l’épouse :
À son frère, à ses Francs faites-la renvoyer,
Vous verrez tout ce coeur soudain se déployer,
Suivre ce qui lui plaît, braver ce qui l’irrite,
Et livrer hautement la victoire au mérite.
Ne vous rebutez point d’un peu d’emportement :
Quelquefois malgré nous il vient un bon moment.
L’amour fait des heureux lorsque moins on y pense ;
Et je ne vous dis rien sans beaucoup d’apparence.
Ardaric vous apporte un entretien plus doux.
Adieu : comme le coeur, le temps sera pour vous.
Scène IV
Qu’avez-vous obtenu, seigneur, de la princesse ?
Beaucoup, et rien : j’ai vu pour moi quelque tendresse ;
Mais elle sait d’ailleurs si bien ce qu’elle vaut,
Que si celle des Francs a le coeur aussi haut,
Si c’est à même prix, seigneur, qu’elle se donne,
Vous lui pourrez longtemps offrir votre couronne.
Mon rival est haï, je n’en saurais douter ;
Tout le coeur est à moi, j’ai lieu de m’en vanter ;
Au reste des mortels je sais qu’on me préfère,
Et ne sais toutefois ce qu’il faut que j’espère.
Voyez votre Ildione ; et puissiez-vous, seigneur,
Y trouver plus de jour à lire dans son coeur,
Une âme plus tournée à remplir votre attente,
Un esprit plus facile ! Octar sort de sa tente.
Adieu.
Scène V
Pourrai-je voir la princesse à mon tour ?
Non, à moins qu’il vous plaise attendre son retour ;
Mais, à ce que ses gens, seigneur, m’ont fait entendre,
Vous n’avez en ce lieu qu’un moment à l’attendre.
Dites-moi cependant : vous fûtes prisonnier
Du roi des Francs, son frère, en ce combat dernier ?
Le désordre, seigneur, des champs catalauniques
Me donna peu de part aux disgrâces publiques.
Si j’y fus prisonnier de ce roi généreux,
Il me fit dans sa cour un sort assez heureux :
Ma prison y fut libre ; et j’y trouvai sans cesse
Une bonté si rare au coeur de la princesse,
Que de retour ici je pense lui devoir
Les plus sacrés respects qu’un sujet puisse avoir.
Qu’un monarque est heureux lorsque le ciel lui donne
La main d’une si belle et si rare personne !
Vous savez toutefois qu’Attila ne l’est pas,
Et combien son trop d’heur lui cause d’embarras.
Ah ! Puisqu’il a des yeux, sans doute il la préfère.
Mais vous vous louez fort aussi du roi son frère.
Ne me déguisez rien : a-t-il des qualités
À se faire admirer ainsi de tous côtés ?
Est-ce une vérité que ce que j’entends dire,
Ou si c’est sans raison que l’univers l’admire ?
Je ne sais pas, seigneur, ce qu’on vous en a dit ;
Mais si pour l’admirer ce que j’ai vu suffit,
Je l’ai vu dans la paix, je l’ai vu dans la guerre,
Porter partout un front de maître de la terre.
J’ai vu plus d’une fois de fières nations
Désarmer son courroux par leurs soumissions.
J’ai vu tous les plaisirs de son âme héroïque