Page:Corneille - Imitation de Jésus-Christ, édition 1862.djvu/37

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AU SOUVERAIN PONTIFE
ALEXANDRE VII[1].

Très-Saint-Père,

L’hommage que je fais aux pieds de Votre Sainteté semble ne s’accorder pas bien avec les maximes du livre que je lui présente. Lui offrir cette traduction, c’est la juger digne de lui être offerte ; et bien loin de pratiquer cette humilité parfaite et ce profond mépris de soi-même que son original nous recommande incessamment, c’est montrer une ambition démesurée, et une opinion extraordinaire des productions de mon esprit. Mais il est hors de doute que ce même hommage, qui ne peut passer que pour une témérité signalée tant qu’on arrêtera les yeux sur moi, ne paroîtra plus qu’une action de justice, sitôt qu’on les élèvera jusqu’à Votre Sainteté. Rien n’est plus juste que de mettre l’Imitation de Jésus-Christ sous la protection de son vicaire en terre, et de son plus grand imitateur parmi les hommes ; rien n’est plus juste que de dédier les sublimes idées de la perfection chrétienne au père commun des chrétiens, qui les exprime toutes en sa personne ; et si je croyois avoir égalé ce grand dévot

  1. Fabio Chigi, né à Sienne le 12 février 1599, succéda à Innocent X le 7 avril 1655, sous le nom d’Alexandre VII. Voyez ci-après, p. 6, note 2. — Cette dédicace ne se trouve que dans les éditions de 1656-1662. Elle disparaît dans l’édition publiée en 1665. C’est en 1662 que le duc de Créquy, ambassadeur de France à Rome, fut insulté par les Corses de la garde du pape, ce qui donna lieu à Corneille d’écrire sa Plainte de la France à Rome, qu’on trouvera à sa date dans les Poésies diverses.