Page:Corneille - Imitation de Jésus-Christ, édition 1862.djvu/395

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La patience est délicate
qui ne veut souffrir qu’à son choix,
qui borne ses malheurs, et jusque-là se flatte
qu’elle en prétend régler et le nombre et le poids.
La véritable est d’une autre nature ;
et quelques maux qui se puissent offrir,
elle ne leur prescrit ordre, temps, ni mesure,
et n’a d’yeux que pour moi quand il lui faut souffrir.

Que son supérieur l’exerce,
son pareil, son inférieur,
elle est toujours la même, et sa peine diverse
conserve également son calme intérieur :
quelle que soit l’épreuve ou la personne,
elle y présente un courage affermi,
et n’examine point si l’essai qui l’étonne
vient d’un homme de bien, ou d’un lâche ennemi.

Sa vertueuse indifférence
reçoit avec remercîments
ces odieux trésors d’amertume et d’offense
qui font partout ailleurs tant de ressentiments :
autant de fois qu’elle se voit pressée,
autant de fois elle l’impute à gain,
et regarde si peu la main qui l’a blessée,
que tout devient pour elle un présent de ma main.