Aller au contenu

Page:Corneille - Le Cid, Searles, 1912.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
110
LE CID

querellant, et sont arrivés devant la maison de ce premier lorsqu’il reçoit le soufflet qui l’oblige à y entrer pour y chercher du secours. Si cette fiction poétique ne vous satisfait point, laissons-le dans la place publique, et disons que le concours du peuple autour de lui après cette offense, et les offres de service que lui font les premiers amis qui s’y rencontrent, sont des circonstances que le roman ne doit pas oublier ; mais que ces menues actions ne servant de rien à la principale, il n’est pas besoin que le poète s’en embarrasse sur la scène. Horace l’en dispense par ces vers :

Hoc amet, hoc spernat promissi carminis auctor,
Pleraque negligat…

Et ailleurs :

Semper ad eventum festinet.

C’est ce qui m’a fait négliger, au troisième acte, de donner à don Diègue, pour aide à chercher son fils, aucun des cinq cents amis qu’il avait chez lui. Il y a grande apparence que quelques-uns d’eux l’y accompagnaient, et même que quelques autres le cherchaient pour lui d’un autre côté ; mais ces accompagnements inutiles de personnes qui n’ont rien à dire, puisque celui qu’ils accompagnent a seul tout l’intérêt à l’action, ces sortes d’accompagnements, dis-je, ont toujours mauvaise grâce au théâtre, et d’autant plus que les comédiens n’emploient à ces personnages muets que leurs moucheurs de chandelles et leurs valets, qui ne savent quelle posture tenir.

Les funérailles du comte étaient encore une chose fort embarrassante, soit qu’elles se soient faites avant la fin de la pièce, soit que le corps ait demeuré en présence dans son hôtel, attendant qu’on y donnât ordre. Le moindre mot que j’en eusse laissé dire, pour en prendre soin, eût rompu toute la chaleur de l’attention, et rempli l’auditeur d’une fâcheuse