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Et si Pluton s’oppose à ce que je prétends,
Passant dessus le ventre à sa troupe mutine,
J’irai d’entre ses bras enlever Proserpine 311.


SCÈNE X.


LISIS, CLORIS.



LISIS.


N’en doute plus, Cloris, ton frère n’est point mort 312 ;
Mais ayant su de lui son déplorable sort,
Je voulois éprouver par cette triste feinte
Si celle qu’il adore, aucunement atteinte 313,
Deviendroit plus sensible aux traits de la pitié
Qu’aux sincères ardeurs d’une sainte amitié.
Maintenant que je vois qu’il faut qu’on nous abuse.
Afin que nous puissions découvrir cette ruse,
Et que Tircis en soit de tout point éclairci.
Sois sûre que dans peu je te le rends ici.
Ma parole sera d’un prompt effet suivie :
Tu reverras bientôt ce frère plein de vie ;
C’est assez que je passe une fois pour trompeur.


CLORIS.


Si bien qu’au lieu du mal nous n’aurons que la peur ?


311. Bien que Claveret ne conteste pas à Corneille l’invention de la frénésie d’Éraste (voyez plus haut, p. 128), on pourrait être tenté de croire que notre poëte en a pris l’idée dans la Climène de C. S. sieur de la Croix, représentée, suivant les frères Parfait, en 1628 (Histoire du théâtre françois, tome IV, p. 401). Le berger Liridas, pensant que Climène est morte, devient fou de chagrin ; dans son délire, il veut obliger un magicien, qu’il prend pour Pluton, à rendre la vie à son amante, et lui dit :

Toi seul dedans ces lieux sentiras les tourments,
Sans pouvoir prendre part à nos contentements ;
J’épouserai Climène, et pour ma concubine
Je prendrai, s’il me plaît, ta femme Proserpine.

312. Var. N’en doute aucunement, ton frère n’est point mort, (1633-57)

313. Var. Si ce cœur, recevant quelque légère atteinte. (1633)