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Page:Corneille - Marty-Laveaux 1910 tome 1.djvu/58

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xLvi NOTICE BIOGRAPHIQUE

cepter aussi volontiers les décisions de l'abbé d'Aubignac, qui, dix ans après Yaugelas, en iGd-, avait écrit sur la Pratique du théâtre un livre où, se proclamant de sa propre autorité le législateur de la scène, il exagérait fort les rigueurs d'Aristote et d'Horace, abusait étrangement des aveux pleins de noblesse et de sincérité que notre poète avait eu l'imprudence de faire devant lui, et s'attribuait le mérite des progrès accomplis de son temps.

« M' étant avancé, dit-il, dans la connoissance des savants de notre siècle, j'en rencontrai quelques-uns assez intelligents au théâtre, principalement dans la théorie et dans les maximes d'Aristote, et d'autres qui s'appliquoient même à la considéra- tion de la pratique, et tous ensemble approuvèrent les senti- ments que j'avois de l'aveuglement volontaire de notre siècle, et m'aidèrent beaucoup à confondre l'opiniâtreté de ceux qui refusoient de céder à la raison : si bien que peu à peu le théâtre a changé de face, et s'est perfectionné jusqu'à ce point que l'un de nos auteurs les plus célèbres (e/i marge : Monsieur de Corneille) a confessé plusieurs fois, et tout haut, qu'en repassant sur des poèmes qu'il avoit donnés au public avec grande approbation, il y a dix ou douze ans, il avoit honte de lui-même, et pitié de ses approbateurs '. »

Parfois d'Aubignac donne à Corneille de grands élooes, mais presque toujours avec l'intention bien marquée de limiter son génie et de restreindre l'admiration qu'il excite. Ainsi, défen- dant les longues délibérations qui se trouvent dans certaines tragédies : « J'exhorte, dit-il, autant que je le puis, tous les poètes d'en introduire sur leur théâtre tant que le sujet en pourra fournir, et d'examiner soigneusement avec combien d adresse et de variété elles se trouvent ornées chez les an- ciens, et, j'ajoute, dans les œuvres de M. Corneille ; car si on y prend bien garde, on trouvera que c'est en cela ])rincipale- ment que consiste ce qu'on appelle en lui des merveilles, cl ce qui l'a rendu si célèbre-. »

Après avoir lu le passage qui précède, on comprend que notre poète écrive à l'abbé de Pure avec sa fierté naïve : « Je

I . Pratique du Ihédlrc, p. 2(i et 27. a. Ibidem, j). l\oZ.

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