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POLYEUCTE.

Rien ne t’en sauroit garantir ;
Et la foudre qui va partir,
Toute prête à crever la nue,
Ne peut plus être retenue
Par l’attente du repentir.
Que cependant Félix m’immole à ta colère ;
Qu’un rival plus puissant éblouisse ses yeux ;
Qu’aux dépens de ma vie il s’en fasse beau-père,
Et qu’à titre d’esclave il commande en ces lieux :
Je consens, ou plutôt j’aspire à ma ruine.
Monde, pour moi tu n’as plus rien :
Je porte en un cœur tout chrétien
Une flamme toute divine ;
Et je ne regarde Pauline
Que comme un obstacle à mon bien.
Saintes douceurs du ciel, adorables idées,
Vous remplissez un cœur qui vous peut recevoir :
De vos sacrés attraits les âmes possédées
Ne conçoivent plus rien qui les puisse émouvoir.
Vous promettez beaucoup et donnez davantage :
Vos biens ne sont point inconstans ;
Et l’heureux trépas que j’attends
Ne vous sert que d’un doux passage
Pour nous introduire au partage
Qui nous rend à jamais contens.
C’est vous, ô feu divin que rien ne peut éteindre,
Qui m’allez faire voir Pauline sans la craindre.
Je la vois : mais mon cœur, d’un saint zèle enflammé,
N’en goûte plus l’appas dont il étoit charmé ;
Et mes yeux, éclairés des célestes lumières,
Ne trouvent plus aux siens leurs grâces coutumières.


Scène III.

POLYEUCTE, PAULINE ; gardes.
POLYEUCTE.

Madame, quel dessein vous fait me demander ?
Est-ce pour me combattre, ou pour me seconder ?