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Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/15

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Non que votre bonheur fortement l'intéresse ;
Mais sachant quel amour a pour vous la princesse,
Il veut voir quel succès aura son grand dessein,
Pour ne point m'épouser qu'en sœur de souverain.
Ainsi depuis deux ans vous voyez qu'il diffère.
Du reste à Pulchérie il prend grand soin de plaire,
Avec exactitude il suit toutes ses lois ;
Et dans ce que sous lui vous avez eu d'emplois,
Votre tête aux périls à toute heure exposée
M'a pour vous et pour moi presque désabusée ;
La gloire d'un ami, la haine d'un rival,
La hasardaient peut-être avec un soin égal.
Le temps est arrivé qu'il faut qu'il se déclare ;
Et de son amitié l'effort sera bien rare
Si mis à cette épreuve, ambitieux qu'il est,
Il cherche à vous servir contre son intérêt.
Peut-être il promettra ; mais quoi qu'il vous promette,
N'en ayons pas, seigneur, l'âme moins inquiète ;
Son ardeur trouvera pour vous si peu d'appui,
Qu'on le fera lui-même empereur malgré lui ;
Et lors, en ma faveur quoi que l'amour oppose,
Il faudra faire grâce au sang de Théodose ;
Et le sénat voudra qu'il prenne d'autres yeux
Pour mettre la princesse au rang de ses aïeux.
Son cœur suivra le sceptre, en quelque main qu'il brille :
Si Martian l'obtient, il aimera sa fille ;
Et l'amitié du frère et l'amour de la sœur
Céderont à l'espoir de s'en voir successeur.
En un mot, ma fortune est encor fort douteuse :
Si vous n'êtes heureux, je ne puis être heureuse ;
Et je n'ai plus d'amant non plus que vous d'ami,
À moins que dans le trône il vous voie affermi.

'LÉON' — Vous présumez bien mal d'un héros qui vous aime.

'IRÈNE'