Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/21

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Et quoi qu'un juste espoir ose vous faire croire,
S'exposer au refus, c'est hasarder sa gloire.
La princesse peut tout, ou du moins plus que vous.
Vous vous attirerez sa haine et son courroux.
Son amour l'intéresse, et son âme hautaine...

'ASPAR' — Qu'on me fasse empereur, et je crains peu sa haine.

'IRÈNE' — Mais s'il faut qu'à vos yeux un autre préféré
Monte, en dépit de vous, à ce rang adoré,
Quel déplaisir ! Quel trouble ! Et quelle ignominie
Laissera pour jamais votre gloire ternie !
Non, seigneur, croyez-moi, n'allez point au sénat,
De vos hauts faits pour vous laissez parler l'éclat.
Qu'il sera glorieux que sans briguer personne,
Ils fassent à vos pieds apporter la couronne,
Que votre seul mérite emporte ce grand choix,
Sans que votre présence ait mendié de voix !
Si Procope, ou Léon, ou Martian, l'emporte,
Vous n'aurez jamais eu d'ambition si forte,
Et vous désavouerez tous ceux de vos amis
Dont la chaleur pour vous se sera trop permis.

'ASPAR' — À ces hauts sentiments s'il me fallait répondre,
J'aurais peine, madame, à ne me point confondre :
J'y vois beaucoup d'esprit, j'y trouve encor plus d'art ;
Et ce que j'en puis dire à la hâte et sans fard,
Dans ces grands intérêts vous montrer si savante,
C'est être bonne sœur et dangereuse amante.
L'heure me presse : adieu. J'ai des amis à voir
Qui sauront accorder ma gloire et mon devoir :
Le ciel me prêtera par eux quelque lumière
À mettre l'un et l'autre en assurance entière,
Et répondre avec joie à tout ce que je dois
À vous, à ce cher frère, à la princesse, à moi.

'IRÈNE' — ,
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