Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/34

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aime à voir un peu d'impatience,
Et feint de reculer, lorsque plus il avance :
Ce moment d'amertume en rend les fruits plus doux.
Aimez, et laissez faire une âme toute à vous.

'LÉON' — Toute à moi ! Mon malheur n'est que trop véritable ;
J'en ai prévu le coup, je le sens qui m'accable.
Plus elle m'assurait de son affection,
Plus je me faisais peur de son ambition :
Je ne savais des deux quelle était la plus forte ;
Mais il n'est que trop vrai, l'ambition l'emporte ;
Et si son cœur encor lui parle en ma faveur,
Son trône me dédaigne en dépit de son cœur.
Seigneur, parlez pour moi ; parlez pour moi, madame :
Vous pouvez tout sur elle, et lisez dans son âme.
Peignez-lui bien mes feux, retracez-lui les siens ;
Rappelez dans son cœur leurs plus doux entretiens ;
Et si vous concevez de quelle ardeur je l'aime,
Faites-lui souvenir qu'elle m'aimait de même.
Elle-même a brigué pour me voir souverain :
J'étais, sans ce grand titre, indigne de sa main ;