Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/44

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Plus que jamais.

'LÉON' — Hélas !
Je souffrirais bien moins si vous ne m'aimiez pas.
Pourquoi m'aimer encor seulement pour me plaindre ?

'PULCHÉRIE' — Comment cacher un feu que je ne puis éteindre ?

'LÉON' — Vous l'étouffez du moins sous l'orgueil scrupuleux
Qui fait seul tous les maux dont nous mourons tous deux.
Ne vous en plaignez point, le vôtre est volontaire :
Vous n'avez que celui qu'il vous plaît de vous faire ;
Et ce n'est pas pour être aux termes d'en mourir
Que d'en pouvoir guérir dès qu'on s'en veut guérir.

'PULCHÉRIE' — Moi seule je me fais les maux dont je soupire !
A-ce été sous mon nom que j'ai brigué l'empire ?
Ai-je employé mes soins, mes amis, que pour vous ?
Ai-je cherché par là qu'à vous voir mon époux ?
Quoi ? Votre déférence à mes efforts s'oppose !
Elle rompt mes projets, et seule j'en suis cause !
M'avoir fait obtenir plus qu'il ne m'était dû,
C'est ce qui m'a perdue, et qui vous a perdu.
Si vous m'aimiez, seigneur, vous me deviez mieux croire,
Ne pas intéresser mon devoir et ma gloire :
Ce sont deux ennemis que vous nous avez faits,
Et que tout notre amour n'apaisera jamais.
Vous m'accablez en vain de soupirs, de tendresse ;
En vain mon triste cœur en vos maux s'intéresse,
Et vous rend, en faveur de nos communs désirs,
Tendresse pour tendresse, et soupirs pour soupirs :
Lorsqu'à des feux si beaux je rends cette justice,
C'est l'amante qui parle ; oyez l'impératrice.