Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/50

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Il n'est, madame, il n'est que trop de conjonctures
Où les nouveaux serments sont de nouveaux parjures.
Qui sait l'art de régner les rompt avec éclat,
Et ne manque jamais de cent raisons d'état.

'JUSTINE' — Mais si vous la piquiez d'un peu de jalousie,
Seigneur, si vous brouilliez par là sa fantaisie,
Son amour mal éteint pourrait vous rappeler,
Et sa gloire aurait peine à vous laisser aller.

'LÉON' — Me soupçonneriez-vous d'avoir l'âme assez basse
Pour employer la feinte à tromper ma disgrâce ?
Je suis jeune, et j'en fais trop mal ici ma cour
Pour joindre à ce défaut un faux éclat d'amour.

'JUSTINE' — L'agréable défaut, seigneur, que la jeunesse !
Et que de vos jaloux l'importune sagesse,
Toute fière qu'elle est, le voudrait racheter
De tout ce qu'elle croit et croira mériter !
Mais si feindre en amour à vos yeux est un crime,
Portez sans feinte ailleurs votre plus tendre estime :
Punissez tant d'orgueil par de justes dédains,
Et mettez votre cœur en de plus sûres mains.

'LÉON' — Vous voyez qu'à son rang elle me sacrifie,
Madame, et vous voulez que je la justifie !
Qu'après tous les mépris qu'elle montre pour moi,
Je lui prête un exemple à me voler sa foi !

'JUSTINE' — Aimez, à cela près, et sans vous mettre en peine
Si c'est justifier ou punir l'inhumaine ;
Songez que si vos vœux en étaient mal reçus,
On pourrait avec joie accepter ses refus.
L'honneur qu'on se ferait à vous détacher d'elle
Rendrait cette conquête et plus noble et plus belle.