Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Est-il bien convaincu qu'elle nous est commune,
Qu'ainsi que lui du sort j'accuse la rigueur ?

'IRÈNE' — Je ne pénètre point jusqu'au fond de son cœur ;
Mais je sais qu'au dehors sa douleur vous respecte :
Elle se tait de vous.

'PULCHÉRIE' — Ah ! Qu'elle m'est suspecte !
Un modeste reproche à ses maux siérait bien :
C'est me trop accuser que de n'en dire rien.
M'aurait-il oubliée, et déjà dans son âme
Effacé tous les traits d'une si belle flamme ?

'IRÈNE' — C'est par là qu'il devrait soulager ses ennuis,
Madame ; et de ma part j'y fais ce que je puis.

'PULCHÉRIE' — Ah ! Ma flamme n'est pas à tel point affaiblie,
Que je puisse endurer, Irène, qu'il m'oublie.
Fais-lui, fais-lui plutôt soulager son ennui
À croire que je souffre autant et plus que lui.
C'est une vérité que j'ai besoin qu'il croie,
Pour mêler à mes maux quelque inutile joie,
Si l'on peut nommer joie une triste douceur
Qu'un digne amour conserve en dépit du malheur.
L'âme qui l'a sentie en est toujours charmée,
Et même en n'aimant plus, il est doux d'être aimée.

'JUSTINE' — Vous souvient-il encor de me l'avoir donné,
Madame ? Et ce doux soin dont votre esprit gêné...

'PULCHÉRIE' — Souffre un reste d'amour qui me trouble et m'accable.
Je ne t'en ai point fait un don irrévocable ;
Mais je te le redis, dérobe-moi ses vœux ;
Séduis, enlève-moi son cœur, si tu le peux.
J'ai