Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/56

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trop mis à l'écart celui d'impératrice ;
Reprenons avec lui ma gloire et mon supplice :
C'en est un, et bien rude, à moins que le sénat
Mette d'accord ma flamme et le bien de l'état.

'IRÈNE' — N'est-ce point avilir votre pouvoir suprême
Que mendier ailleurs ce qu'il peut de lui-même ?

'PULCHÉRIE' — Irène, il te faudrait les mêmes yeux qu'à moi
Pour voir la moindre part de ce que je prévois.
Épargne à mon amour la douleur de te dire
À quels troubles ce choix hasarderait l'empire :
Je l'ai déjà tant dit, que mon esprit lassé
N'en saurait plus souffrir le portrait retracé.
Ton frère a l'âme grande, intrépide, sublime ;
Mais d'un peu de jeunesse on lui fait un tel crime,
Que si tant de vertus n'ont que moi pour appui,
En faire un empereur, c'est me perdre avec lui.

'IRÈNE' — Quel ordre a pu du trône exclure la jeunesse ?
Quel astre à nos beaux jours enchaîne la faiblesse ?
Les vertus, et non l'âge, ont droit à ce haut rang ;
Et n'était le respect qu'imprime votre sang,
Je dirais que Léon vaudrait bien Théodose.

'PULCHÉRIE' — Sans doute ; et toutefois ce n'est pas même chose.
Faible qu'était ce prince à régir tant d'états,
Il avait des appuis que ton frère n'a pas :
L'empire en sa personne était héréditaire ;
Sa naissance le tint d'un aïeul et d'un père ;
Il régna dès l'enfance, et régna sans jaloux,
Estimé d'assez peu, mais obéi de tous.
Léon peut succéder aux droits de la puissance,
Mais non pas au bonheur de cette obéissance :
Tant ce trône, où l'amour par ma main l'aurait mis,
Dans mes premiers sujets lui ferait d'ennemis !
Tout ce