Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/76

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J'ai dû me le promettre ; et toutefois, hélas !
Vous passez dès demain, madame, en d'autres bras ;
Et dès ce même jour, vous perdez la mémoire
De ce que vos bontés me commandaient de croire !

'PULCHÉRIE' — Non, je ne la perds pas, et sais ce que je dois.
Prenez des sentiments qui soient dignes de moi,
Et ne m'accusez point de manquer de parole,
Quand pour vous la tenir moi-même je m'immole.

'LÉON' — Quoi ? Vous n'épousez pas Martian dès demain ?

'PULCHÉRIE' — Savez-vous à quel prix je lui donne la main ?

'LÉON' — Que m'importe à quel prix un tel bonheur s'achète ?

'PULCHÉRIE' — Sortez, sortez du trouble où votre erreur vous jette,
Et sachez qu'avec moi ce grand titre d'époux
N'a point de privilège à vous rendre jaloux ;
Que sous l'illusion de ce faux hyménée,
Je fais vœu de mourir telle que je suis née ;
Que Martian reçoit et ma main et ma foi
Pour me conserver toute, et tout l'empire à moi ;
Et que tout le pouvoir que cette foi lui donne
Ne le fera jamais maître de ma personne.
Est-ce tenir parole ? Et reconnaissez-vous
À quel point je vous sers quand j'en fais mon époux ?
C'est pour vous qu'en ses mains je dépose l'empire ;
C'est pour vous le garder qu'il me plaît de l'élire.
Rendez-vous, comme lui, digne de ce dépôt,
Que son âge penchant vous remettra bientôt ;
Suivez-le pas à pas ; et marchant dans sa route,
Mettez ce premier rang après lui hors de doute.
Étudiez sous lui ce grand art de régner,
Que tout autre aurait peine à vous mieux enseigner ;
Et pour vous assurer ce que