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Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/145

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ETUDE SUR MEDEE cxxxiii

paternel qui, selon sou énergique expression, « fournit d'excuses » le traître. Mais enfiu, « il aime ses enfants... son faible est décou- vert », et c'est par là que -Médée saura le frapper. Chez Sénéque, ce cri ne nous émeut guère, parce qu'il est trop attendu et que Médée u'a jamais hésité, non seulement sur le but, mais sur les moyens; chez Corneille, il semble que ^lédée fasse une décou- verte soudaine, et, qu'hésitante jusqu'alors, tout à coup elle n'hésite plus.

Encore le poète français a-t-il voulu prolonger l'incertitude. Nérine supplie Médée d'épargner ses enfants, de frapper plutôt sa rivale, et Médée semble indécise. Il est donc permis d'espérer, même à la fin du III« acte, que, si Médée se venge, elle ne se vengera pas sur des innocents.

Acte IV. — Il y a de vraies beautés, déjà tragiques, dans le pre- mier et le troisième acte. Les deux derniers sont, au contraire, d'une rare faiblesse. Comment s'en étonner? Plus que jamais Corneille imite Séuèque, et, s'il innove, ses innovations font regretter ses emprunts, car le dépit du vieil .'Egée nous touche moins encore assurément que la fureur de ^lédée, si forcée qu'eu soit l'expression. Celle-ci n'est plus ni femme, ni mère; elle n'est plus qu'une maglcienue, très experte en son art, qui nous fait un cours de sorcellerie, du fond de sa « grotte magique ». Nous avons beau faire, nous ne pouvons en vérité la prendre au sérieux, lorsque nous l'entendons apostropher sa rivale sur ce ton :

C'est trop peu do mon lit, tu veux eiicor ma robe!

OU dire à sa suivante Nérine, admise dans le mystérieux labora- toire :

Mes maux dans ces poisons trouvent leur médecine.

Il est vrai que Corneille, trop peu confiant en ses propres forces pour s'affranchir du joug de Sénèque, mais trop sensé pour ne pas voir quelques-uns des défauts de sou modèle, a modifié, souvent même élagué beaucoup de détails inutiles de cette fan- tasmagorie. Il en faut faire honneur à suu goût ; mais, précisé- ment, le goût et la raison n'ont que faire dans le domaine de la féerie, dont ils risquent de rendre les inventions plus froides, sans les rendre plus vraisemblables. Le fastidieux récit de la nourrice a disparu; en quelques minutes, Médée a terminé sa préparation magique : plus expéditive que la Médée latine, et

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