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de nos trouvères. Les personnages de tous ces romans, dont s'est amusé si lonjilemps l'esprit de l'Europe, sont étran.s"prs au monde réel. Mais le Cid est un héros intermédiaire onlre la fable et l'histoire. Ses grands exploits, ses conquêtes, sa fière indépendance de la suzeraineté de Castille, tout cela est historique ; et en même temps le Romancero fait du grand capitaine un chevalier errant qui sauve Ihonneur des femmes et punit la déloyauté. La grandeur historique et l'idéal du roman chevaleresque, voilàle Cid dans le Romancero^ ».

C'est tort nettement poser la question, car il y a dans le Romnncero deux séries de romances, d'époque très distincte et d'ei^^pi'it souvent opposé. Y faire la part de l'histoire et de la lé^'ende, de la réalité et de l'idéal, ce n'est donc pas isoler des éléments inséparables, c'est en constater la juxtaposition sans essayer de préciser nne date.

Le sujet. — A lire certaines romances, il semble que le Cid soit le plus docile des sujets. Si les rois maures lui font offrir des présents, il les repousse, et dit aux envoyés : « Mes amis, vous vous êtes trompés dans votre message, parce que je ne suis ni maître, ni seigneur, là où se trouve le roi Fer- dinand; tout lui appartient: rien n'est à moi, et près de lui je ne suis que le moindre de ses vassaux ». A son tour, et se piquant d'honneur, le roi répond aux ambassadeurs maures : « Dites à vos maîtres que, quoique leur vainqueur ne soit pas roi, il est assis aux côtés d'un roi, cl que tout ce que je pos- sède, c'est le Cid qui me l'a conquis; dites-leur aussi que je suis heureux et fier d'avoir un si bun vassal ». Mais ne nous hâtons pas de nous attendrir sur cette union touchante du souverain et du sujet; nous nous heurterions bientôt à telle déclaration aussi hautaine, aussi dure que celle-ci : « Si hier je ne vous baisai pas la main, sachez, roi, que cela ne me plut pas, et si à cette heure je consens à la baiser, ce sera de mon consentement et de mon propre gré ». Il est vrai que ces paroles s'adressent au roi Alphonse, justement suspect; mais elles témoignent d'un esprit d'indépendance tout féodal, dont les poètes de l'âge suivant n'ont pu adoucir tout à fait la rudesse.

Exilé par son roi, ce vassal peu flexible se redresse : « Dès aujourd'hui je me gagne moi-même, puisque aujourd'hui vous me perdez... J'obéis à v03 ordres quoique je ne sois pas cou- pable, parce qu'il est juste que le roi commande et que le vassal se .soumette. » Il est juste, ce mot reviendra souvent désormais dans la bouche du Cid, transformé en représentaiil

i. SiiUire de la littérature du mogen âge.

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