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Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/204

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30 LE CID

cratique fierté se mêle quelque amertume chez Corneille. Ce qu'il y a de trouble et d'inquiétude au fond des joies les plus pures, don Diègue le sent et le dit avec éloquence, puis, il oublie tout en voyant Rodrigue; mais Rodrigue n'a rien oublié, et lorsque son père lui parle de l'amour vengé, il ionge au bonheur perdu. Gauchement, le vieillard s'efforce de le consoler; ses consolations maladroites ne fout qu'irriter ia blessure; il réussit seulement à le distraire de sa douleur ^'n lui montrant un nouveau devoir à remplir. N'est-ce point là un trait vraiment original, et tout l'éclat de la poésie espagnole efface-t-il ce que la scène française contient d'émo- tion pénétrante?

Les deux scènes suivantes ont été retranchi'es par Corneille, toujours inspiré par le même motif : elles formaient un spectacle pittoresque, mais n'apportaient ripn d'essentiel à la peinture de l'âme humaine. Dans la première, retirée en son château de plaisance, du haut de son balcon, l'infante engage un galant entretien avec Rodrigue qui va combattre les Maures. Dans la seconde, les monts d'Oca sont le théâtre de la bataille attendue; mais cette bataille, qu'on nous passe l'expression, nous est servie par tranches. Première tranche : un roi Maure se présente, traînant à sa suite ses prisonniers; il est atteint et vaincu. Seconde tranche : Rodrigue se met à la poursuite des quatre autres rois. Troisième tranche ; le r.ombat qui se livre nous est raconté par un berger facétieux •l peureux, proche parent de Sancho Pança, et qui, du onunet d'un arbre où il est réfugié, regarde au loin la mêlée; ar, ainsi qu'il le remarque, ces sortes de choses demandent i être vues de haut. La scène du balcon, qui mettait en relief le rôle de l'infante, eût gêné Corneille; quant au récit du 1 erger, il est remplacé avec avantage par le plus admi- rable des récits épiques.

Scène'Q. — Le récit de Rodrigue en remplace un autre encore, celui qu'un prince maure prisonnier fait, avant l'arrivée du vainqueur, dans le palais du roi, car le poète espagnol n'a pas jugé qu'un récit fût suffisant. Le goût plus sobre de Cor- neille a lai,ssé dans la pénombre les rois prisonniers, comme ç^f infant don Sanche, dont Castro se plaît à nous peindre les ;olères;si, a la suite du récit, il a, comme Castro, placo unb nouvelle démarche de Chimène, il a eu soin de faire d'abord sortir Rodrigue, tandis que, dans l'espagnol, Rodrigue demeure présent, se répand en exclamations passionnée.'. [i( Ah! pour vos larmes, beaux yeux, je donnerais le sang df mes entrailles! ») échange avec Chimène des madrig«*ux empruntés aux romances, et un long regard qui trauil

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