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Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/228

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M LE CID

le comte à don Diè^ue. Plus que dans les tragédies classiques qui suivront, la réalité se mêle ici àl'idéal, le sourire tempère l'admiration. C'est que le Cid, placé entre Vlllusion comique el Horace, résume dans un chef-d'œuvre les beautés pittoresques de la tragi-comédie expirante, autant qu'il annonce les beautés sévères de la tragédie, encore incertaine de sa fortune.

Don Sanche et l'infante ont ce trait commun d'être des amants malheureux. Or, dans la tragi-comédie comme dans le roman, on le sait, les amants malheureux sont faci- lement ridicules, lorsqu'ils ne sont pas odieux. Valére, Maxime, Attale, n'échappent pas à cette sorte de prédes- tination, et si Sévère s'y soustrait, c'est qu'il est aimé d'abord. Comment don Sanche n'aurait-il pas subi la loi commune? Etre le rival de Rodrigue, c'est être voué d'a- vance à un rôle sacrifié; de plus fiers souffriraient d'un tel voisinage. Du moins ne mérite-t-il pas le mépris qui s'at- tache à un Maxime. Chose curieuse! Si l'on s'en rapporte à ce que dit de lui Elvire au début de la pièce, il est à peu près du même âge que Rodrigue, et cependant près de Rodrigue il paraît un enfant. C'est qu'il reste, pour ainsi dire, station- naire, pendant que Rodrigue s'élève de plus en plus au-dessus de tous les autres et au-dessus de lui-même. Aux derniers actes, le Cid s'est déjà révélé; déjà il est un héros, mûr pour les grandes choses ; don Sanche est resté un calant homme. Mais l'héroïsme est l'exception et don Sanche n'est pas un lâche. Non, ce n'est pas un lâche, celui qui, plus inexpéri- menté encore que bouillant (car c'est la première fois qu'il se bat *) choisit tout d'abord pour adversaire le vainqueur des Maures.

Faites ouvrir le champ, vous voyez l'assaillant : Je suis ce téméraire, bu plutôt ce vaillant *.

��« Lui aussi, le pâle don Sanche, dit Saint-Beuve *, il a chez Corneille son premier mouvement et son éclair. » Est-ce bien « son premier mouvement »? Qu'on lise la scène 6 de l'acte 11 et la scène 2 de l'acte III, on sera moins sévère ■jue Sainte-Beuve. Devant le roi offensé, alors que tous ac- cusent la hauteur inflexible du comte, don Sanche le défend.

1. Voyez le vers 1«20.

2. Cid, iV. 5.

3. Sainte-Beuve, Nouveattx lundi», VU.

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