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INTRODUCTION 55

Ce n'est point l'amant seul qui parle en fareur du pé>re de rrôiinéne; c'est aussi le gentilhomme indépendant, passionné ~pon\' riionneur, dédaigneux de toutes les « subniissions » et satisfactions équivoques, toujours prêt à porter la main à la garde de son épée : « Voici qui répondra! » Ne va-t-il pas, dans sa fougue juvénile, jusqu'à offenser le roi? Ne se fait-il pas imposer silence? Alors même, n'ose-t-il point parler encore, et dire que le comte obéirait, « s'il avait moins de cœur »? Gentilhomme de race, ilahorreur de la procédure el des lenteurs de la justice :

Souffrez qu'un cavalier vous venge par les armes ; La voie en est plus sûre et plus prompte à punir *.

Par là il n'est pas inutile à l'intérêt de l'action, quand il ne ferait que redoubler la douleur et l'embarras de Chimène. Mais cet béroïsme d'emprunt ne tient pas; don Sanche n'a que de beaux mots et de beaux gestes. Son rôle, assez piteux pendant la scène de la méprise, ne se relève pas au dénoue- ment. Il prend trop vite son parti de la défaite qui lui enlève Chimène; bien plus, il s'en félicite, avec une sérénité inat- tendue ; il se déclare trop heureux de réunir deux amants si parfaits. En vérité, on lui souhaiterait l'humeur moins facile.

L'utilité dramatique du rôle de don Sanche est donc, d'une part, de compliquer les difficultés de la situation et d'ac- croître nos inquiétudes, sans les poussser trop loin cependant, car, après l'aveu de Chimène, la victoire de Rodrigue ne fait doute pour personne ; d'autre part, de nous inspirer une plus haute idée de Chimène, dont le cœur mérite d'être ainsi dis- puté. En peut-on dire autant de l'infante? On l'a prétendu, car elle aussi, semble-t-il, crée un nouvel obstacle au bon- heur des deux amants, elle aussi contribue à rehausser le mérite de Rodrigue.

Napoléon regrettait qu'on supprimât à la représenta- tion le rôle de l'infante, et niait que ce rôle fût inutile : M Tout au contraire, observait-il, le rôle de l'infante est fort bien imaginé ; Corneille a voulu nous donner la plus haute idée du mérite de son héros, et il est glorieux pour le Cid d'être aimé à la fois par la fille de son roi et par Chimène. Rien ne relève ce jeune homme comme ces deux femmes qui se disputent son cœur. » Il n'est pas impossible assurément que Corneille ait songé à grandir Rodrigue par ce double

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