Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

INTRODUCTION 59

Allez, daus le caprice où votre humeur s'obstine, Vous ne méritez pas l'amant qu'on vous destine, Et nous verrons du ciel l'équitable courroux Vous laisser par sa mort don Sanche pour époux •.

C'est sur ce Ion familier que parle souvent le roi lui-même, et Corneille reconnaît qu'au cmquième acte d'Horace, Tulle « est mieux dans sa dignité » que don Fernand dans tout le Cid -. « On ne peut désavouer, écrira le poète ailleurs ^, qu'en cette posture (celle déjuge) il remplit assez mal la dignité d'un si grand titre, n'ayant aucune part en l'action que celle qu'il y veut prendre pour d'antres. » A de certains moments, en effet, don Fernand ressemble plus à un juge de paix qu'à un roi ; mais il y a quelque chose d'aimable et de touchant dans cette bonhomie même, dans cet effort sincère pour tout concilier. S'il est quelque peu embarrassé entre Chimène et don Diègue, c'est que jamais situation ne fut plus embarras- sante : tous deux- n'ont-ils pas également raison? 11 voit le pour et le contre; il ne veut pas, il ne peut pas, en condam- nant don Diègue offensé et vengé, blesser l'orgueil légitime de sa vieille noblesse; mais il a pour Chimène affligée de» consolations toutes paternelles:

Prends courage, ma fille, et sache qu'aujourd'hui Ton roi te veut servir de père au lieu de lui *.

« Sa réponse à Chimène est pleine de grâce. C'est tout à fait digne d'un roi de France, de Henri IV, par exemple s. » Oui, cette aimable et haute bonté a quelque chose de cheva- leresque que n'avait pas le morne Louis XIII ; mais Henri IV eilt été moins indolent, plus prorapt à se décider et à agir. Ce n'est pas Henri IV qui, menacé d'une attaque de l'ennemi, se fût conlenté de faire doubler la garde. Il y a grande appa- rence qu il y aurait été voir lui-même. Don Fernand reste discrètement en son palais, de peur d'alarmer les bons habi- tants de Séville; si les Maures sont vaincus, c'est sans sa per- mission ; il en est surpris et ravi. Sur ce point, l'aveu de Cor- neille suffira : « Le roi est inexcusable de laisser tout faire à

��I. Cid. V. 4. Voyez Tartufe. Il, 3. l. Examen a Horace. S. Examen de Clitandre.

4. Cid. 11. 8.

5. Jules Jania. Cours de littérature dramatique, t III.

�� �