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Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/329

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KXAMEN 1S5

mière des deux sont quelquefois trop spirituelles pour partir ie personnes fort afûigé^s ; mais, outre que je n'ai fait que la paraphrase de l'espagnol, si nous ne nous permettions quelque chose de plus ingénieux que le cours ordinaire de l* passion, nos poèmes ramperaient souvent, et les grandes dou leurs ne mettraient dans la bouche de nos acteurs ijue dej exclamations et des hélas. Pour ne déguiser rien, cette offre que fait Rodrigue de sonépée à Chimène, et cette proteslatior de se laisser tuer par don Sanche, ne me plairaient pas mair tenant. Ces beautés étaient de mise en ce temps-là, et ne le seraient plus en celui-ci. La première est dans l'original espagnol, et l'autre est tirée sur ce modèle. Toutes les deux ont fait leur effet en ma faveur; mais je ferais scrupule d'en étaler de pareilles à l'avenir sur notre théâtre'.

J'ai dit ailleurs ma pensée touchant l'infante et le Roi 2; il reste néanmoins quelque chose à examiner sur la manière dont ce dernier agit, qui ne paraît pas assez vigoureuse, en ce qu'il ne fnit pas arrêter le comte après le souftlet doimé, et n'envoie pas des gardes à don Diègue et à son fils. Sur quoi on peut considérer que don Fernand étant le premier roi de Castille, et ceux qui en avaient été maîtres auparavant lui n'ayant eu titre que de comtes, il n'était peut-être pas assez absolu sur les grands seigneurs de son royaume pour le pouvoir faire. Chez don Guilhem de Castro, qui a traité ce sujet avant moi, et qui devait connaître mieux que moi quelle était l'autorité de ce premier monarque de son pays, le souf- flet se donne en sa présence et en celle de deux ministres d'État, qui lui conseillent, après que le comte s'est retiré fièrement et avec bravade, et que don Diègue a fait la même chose en soupirant, de ne le pousser point à bout, parce qu'il a quantité d'eimis dans les Asturies qui se pourraient révolter et prendre parti avec les Maures dûnt son fc^tat est envi- ronné. Ainsi il se résout d'accommoder l'affaire sans bruit, et recommande le secret à ces deux ministres, qui ont été seuls témoins de l'action. C'est sur cet exemple que je me suis cru bien fondé à le faire agir plus mollement qu'on ne ferait en ce temps-ci, où l'autorité royale est plus absolue. Je ne pense pas non plus qu'il fasse une faute bien grande de ne jeter point l'alarme, de nuit, dans sa ville, sur l'avis incertain qu'il a du dessein des Maures, puisqu'on faisait bonne garde

1 . « Cela Yeut dire qu'à cinquante ou soixante ans on se ferait scrupule, pour de bonnes raisons, de recommencer ce qu'on osait à trente. » (Sainte-Beuve. Nouveaux lundis, Vil.)

2. Voyez aux page 52 et S9 (to l'Introduction les passages auxquels fait allusion Corneille*

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