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ETUDE D'ENSEMBLE xi.v

roi en son endroit : car il ne fait préférer Othon à Pison par les conjurés qu'à cause, disent-ils, qu'Othon gouvernera lui-même, et qu'il y a plaisir à travailler sous un prince qui tienne lui-même le timon; d'ailleurs, ce dévot y coule quelques vers pour excuser l'amour du roi. Il vous va mettre sur le théâtre toute la politique de Tacite, comme il y a mis toutes les déclamations de Lucain'. » En dépit de l'exagération malveillante, il y a du vrai dans ce dernier reproche. Quant aux amours de Louis XIV et de M'"= de la Vallière, il est au moins douteux que Corneille y fasse allusion dans le passage très vague que signale à l'iudignation publique le vertueux Tallemant des Réaux. En revanche, il parait certain que le jeune Louis XIV, régnant seul et sans la collaboration tyrannique d'un premier ministre, eût eu le droit de se recon- naître dans ce portrait que Lacus, préfet du prétoire, trace d'Othon :

Sous un tel souverain nous sommes peu de rhose :

Son soin jamais sur nous tout à fait ne repose.

Sa main seule départ ses libéralités:

Son choix seul distribue étals et dignités.

Du timon qu'il embrasse il se fait ie seul guide,

Consulte et résout seul, écoute et seul déride,

Et, quoique nos emplois [missent faire du biuit,

Sitôt qu'il nous \eut perdre, un coup d'œil nous détruit'.

Est-ce en écoutant de tels vers que le maréchal de Grammont s'écriait : « Corneille est le bréviaire des rois! » Mais les rois sont la miuorité, et, malgré l'opiuiou très avantageuse que Cor- neille a de sa pièce, malgré le succès qu'elle obtient, on devine que le gros public se détournait peu a peu d'un poète qui, déci- dément, pariait trop à l'esprit, et à l'esprit d'une élite. On en a la preuve dans la lettre chagrine que Corneille adressa, deux ans plus tard, à Saint-Évremond, pour le remercier d'avoir défendu sa Sophonisbe : « Vous m'honorez de votre estime en un temps où il semble qu'il y ait un parti fait pour ne m'en laisser aucune. Vous me soutenez, quand un se persuade qu'on m'a abattu, et \ous me consolez glorieusement de la délicatesse de notre siècle, quand vous daignez m'accorder le bon goût de

��1. Historiettes, p. 2oj et ;o4.

2. Othon, II. 4.

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