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Et puisque, par ce choix, Albe montre en effel 466
Qu elle m'estime autant que Rome vous a fait,
Je crois faire pour elle autant que vous pour Rome}
J'ai le cœur aussi bon, mais enfin je suis homme.
Je vois que votre honneur demande tout mon sang,
Que tout le mien consiste à vous percer le flanc; 470
Près d'épouser la sœur, qu'il faut tuer le frère,
Et que pour mon pays j'ai le sort si contraire.
Encor qu'à mon devoir je coure sans terreur,
Mon cœur s'en effarouche, et j'en frémis d'horreur;
J'ai pitié de moi-même, et jette un œil d'envie 475
Sur ceux dont notre guerre a consumé la vie.
Sans souhait de pouvoir reculer.
Ce triste et fier honneur m'émeut sans m'ébranler:
J'aime ce qu'il me donne, et je plains ce qu'il m'ôte,
Et si Rome demande une vertu plus haute, 48(J
Je rends grâces aux dieux de n'être pas Romain,
��465. En effet n'est point ici un pur remplissage ; au ïvii' siècle, le mot effet, réalité, s'opposait plus nettement qu'aujourd'hui à apparence. En effet signifie donc : comme son choix le fait paraître.
466. Vous a fait n'est point une faute, même légère, comme Voltaire le pense, et nous retrouverons au vers 604 cette tournure très nette et très française, qui per- mettait de rempl?cer par faire un verbe précédemment exprimé, en lui donnant le même régime qu'à ce verbe :
J'aime autant son esprit que la fais son visage. {Galerie du Palait, 30.)
Il l'appelle son frèie, et I aime, dans son âme.
Cent fois plus qu'il ne fait mère, fils, fille et femme. {Tartufe, I, 8.)
468. Bon a ici le sens de mible, ferme, généreux. « Elle a le cœur trop bon, > dit Cinna d'Emilie. {Cinna, 689.) Voyez les vers 615, 1083, 1698.
469. Var. Je sais que votre honneur git à verser mon sang.
470. Flanc, sein, très usité au xvn" siècle. L'expression percer le flanc, dit M. Marty-Laveaux, pour avoir été employée dans une chanson burlesque, est de- venue comique, et l'on hésiterait maintenant à l'employer dans le style élevé.
471. Prêt de, ^oat près de, avec lequel il se confond, comme avec prêt à ;
Pent-être que l'onzième est prête d'éclater. {Cinna, 491.) Voyez le vers 1486.
472. C'est-à-dire : forcé de combattre pour mon pays, j'ai le malheur de le dé- fendre contre vous.
473. Encor que et encor, sans e, condamnés par Vaugelas, dans ses Re- marques, ont survécu ; mais la tournure encore que a un pou vieilli.
474. Je crains qu'en l'apprenant son cœur ne s'effarouche. {Nicoméde, I, 1.) 476. Var. Snr ceux dont notre guerre a consommé la Vie.
M, Qérnzez rappelle ici ces vers de Virgile :
ter quaterque beati
Queis anté oia pati um. Trojs sab maenibos alUfl
Contigit oppetere !... (Enéide; I, 94.)
��479. /* plains, c'est-à-dire je regrette.
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