INTRODUCTION 31
Il s'inquiétait sans doute assez peu, lui qui peignait un Auguste fort différent de celui de l'iiistoire, de savoir si Lme, devenue chez lui le bon génie de" l'empereur, était représentée par Tacite comme son mauvais génie. Il s'in- quietait moins encore de suivre pas à pas lerécit de Sénèque, quil traduisait parfois dans sa lettre, mais modifiait dans son esprit. L'Auguste de Sénèque remercie avec ioie sa femme de ses conseils et se dispose aies suivre; l'Auguste de Corneille en fait peu de cas et met fin à l'entretien avec une brusquerie voisine de la brutalité. C'est que Corneille
^^^^*5^^. T.Pf'"'^^' "°" P^^ "" « lionnête homme ». comme eut dit Balzac, mais un grand homme. Il serait fort surpris de voir, pour justifier le rO-Tê de Livie, rabaisser le caractère d Auguste; car on a été, de nos jours, jusqu'à dire que Livie sert à caractériser « l'absence de spontanéité • » de la clémence impériale. Cette façon de lui donner raison lui aurait peut-être déplu. Si quelque chose est clair, au contraire, ç est que la clémence conseillée par Livie est une clémence intéressée, politique, née d'un calcul prudent, appuyée sur des raisonnements habiles, mais froids, aussi peu spontanée 'lue possible en un mot. Auguste n'en conçoit qu'une généreuse et de premier mouvement. S'il doit s'y résoudre Il s y résoudra de lui-même et entend qu'on lui laisse tout [e mente de sa décision. Le ciel l'inspirera. En attendant, il a besoin d être seul: ces considérations mesquines le blessent, à cette heure où les sentiments les plus impétueux se livrent un dernier combat dans son âme. En vérité, Livie a mal choisi son moment et mal compris ce qui se passait dans cette grande âme. Dans la première vivacité d'une irritation assez naturelle, Auguste le lui fait trop sentir. Elle a tort dans la forme et raison dans le fond : car elle réveille au lond de 1 ame d'Auguste une pensée de clémence qui. sans elle, y resterait peut-être assoupie ; mais elle ne lui enlève point le principal mérite de la résolution suprême Sa clémence ne sera point celle qui le séduira : elle pardonnerait et n oublierait pas; lui, du pardon, ne sépare point l'oubli. Un peut dire, il est vrai, que l'intervention de Livie laisse I espru indécis, presque troublé, et qu'il est fort difficile de décider SI Auguste ne s en souvient pas au cinquième acte, dans quelle mesure il s en souvient, et si les calculs de la politique ne se mêlent pas, même pour une part minime, àla généro- sité de son pardon. Mais il faut bien que ce pardon soitspon- tané, désintéressé, héroïque, puisqu'Auguste est visiblement
1. M. Horion. Explication du théâtre elanigut.
�� �