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des Séleucus. S'il ne s'y résigne point, il n*a qu'un moyen d'échapper au ridicule, c'est de se jeter dans le crime.

En résumé, qu'est Maxime? Un personnage de la trarri- comédie romanesque transporté dans la tragédie. Dans Cli- tandre, Corneille nous avait déjà peint sous les couleurs les plus noires Pymante, dédaigné par Dorise, qui aime Rosidor, et méditant la plus atroce des vengeances. Mais Dorise, cette Emilie de mélodrame, ne se contenLait pas de le repousser; elle lui crevait l'œil, et Pymante, resté en scène, dans un mo- nologue plus déplacé encore que celui de Maxime, avait des raisons plus sérieuses de se dire « désespéré ». Que de trahi- sons, que d'enlèvements, dans les tragi-comédies de Hardy et même de Rotrou ! Cherche-t-on d'où nous vient cette lignée de traîtres qui a infesté notre théâtre? L'amour est le grand coupable. Presque tous les traîtres de la tragi-comédie et du roman au xvii® siècle sont des amants malheureux.

En vertu de la même loi des contrastes dramatiques, Livie est à la fois associée et opposée à Auguste. On l'a mal compris quand on a cru, au xvni« siècle, que ce rôle pouvait disparaître tout entier'. Non seulement c'était mutiler, sans nécessité reconnue, le chef-d'œuvre de Corneille, mais c'était rendre à peu près inintelligible une scène importante du cin- quième acte, en mettant, contre toute vraisemblance et toute convenance, dans la bouche d'Emilie des paroles que Livie seule pouvait prononcer. Nous en demandons pardon à Voltaire et à M. Merlet, qui l'a répété, aucune comparaison n'est possible entre le caractère de Livie, d'ailleurs impar- faitement tracé, et le caractère de l'infante dans I4 Cid; car l'influence de l'infante sur l'action est nulle, et celle de Livie ne Test pas. On peut contester l'utilité de son inter- vention; mais elle intervient, et Corneille ne croyait pas qu'elle intervint au détriment de l'intérêt dramatique, lui qui écrivait 2 : « La consultation d'Auguste au second acte de Cinna, les remords de cet ingrat, ce quïl en découvre à Emilie et l'effort que fait Maxime pour persuader à cet objet de son amour caché de s'enfuir avec lui ne sont que des épisodes ; mais l'avis que fait donner Maxime par Euphorbe à l'empereur, Tes irrésolutions de ce prijnce et les -conseils de Livie sont de l'action principale. »

1. Le 29 mai 1806, Napoléon le faisait rétablir dans une t-eprésentalion donnée à Saint-Clond, et où M"» Raucourt joua le rôle de Livie. Ce ne fut là qu'une tentative isolée. En 1860, M. E. Thierry en Ot une autre dont le sucoèi fut plus durable, mais non pas définitif

2. Diacours du poème dramatique.

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