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38 CINNA

III

L'HISTOIRE ET LA POLITIQUE

Si Von a parfois méconnu la vraie grandeur du caractère d"\u-usle, et, par suite, le vrai sens de la tragédie, c'est qu on s'est Irop préoccupé de riiistoire et pas assez du drame. A force de répéter que Corneille est un grand historien, on a un peu oublié qu'il est avant tout un grand poète et quil rrée plus encore qu'il ne se souvient. Mais dans quelle mesure ce souvient-il ici? et, s'il a modifié les données de 1 histoire, dans auelle mesure les a-t-il inodiiiées? . , ,

Voltaire a contesté jusqu a la réalité historique delà conju- ration de Cinna; cette fois, son scepticisme peut invoquer des raisons sérieuses i. Dabord des historiens bien informes, qui nous ont transmis de précieux détails sur les complots de M. Lepidus, de Cépion et de Murena, d Egnatius Rufus, de Plautius Rufus et de L. Paulus, sont muets sur l affaire de Cinna. Tacite, Suétone, Velleius Paterculus même n en parlent pas. Puis, les témoignages de Sénèque et de Dion Cassius sont contradictoires : d'après l'un, c'est pendant son voyage en Gaule qu'Auguste, alors âgé de quarante ans, décou^ it le danger qui le menaçait; or le voyage de Gaule est de 739, et \uguste a quarante-neuf ans à cette époque. L autre trans- porte la scène de la Gaule à Rome et de 1 an 730 à 1 an 7o6, ce qui donne à Auguste soixante-six ans au heu de quarante Comme Cinna fut consul en 757^ il parait bien que la datv Je Dion Cassius est la vraie. Dans son Examen antique dei historiens d'Auguste, M. Egger remarque qu Auguste a 1 habi- tude de rédiger à l'avance par 1 écrit ses entretiens de quelque importance, même ceux qu'il doit avoir avec sa femme Livie . Or le discours d'Auguste à Cinna dura plus de deuî. heures, dit Sénèque. Fabricius a raison peut-être de regarder les pages oui le contiennent comme un fragment des écrits d Auguste, S-anscritpar Sénèque d'après les mémoires inédits de son père.

Pour l'ensemble de laffaire, on en est donc réduit aux

1 M Eeeer écrit pourtant : « On ne comprend pas comment Voltaire a pu révoquer en doute l'aventure de Cinna. » CExamen critique des hutoneru dAu- Çuste.J „. , ,.

2 Marini, Atti dei fratelh Arvalt.

i « Sermones quoque cum singulis atque etiam cum Livia «ua graviores non nUlinscri^tisetelitello habebat, ne plus minusve loqueretur ex tempore. . (^uétone, 84.)

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