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INTRODUCTION 41

qui ont cours sur Cmna. s'évanouissent; car, si l'Auguste de Cinna n'est pas l'Auguste de l'histoire, il est clair que Corneille, poète avant d'être historien, n'a pu songer à réhabiliter l'empire en même temps que l'empereur. M. Des- jardins, qui invoque le témoignage de l'historien allemond Mommsen, passionné pour le droit et la liberté (on sait asse2 ce que cette passion est devenue), écritpourtant' : « Corneille a dit pourquoi la République était tombée, pourquoi elle ne pouvait renaître et pourquoi l'ordre nouveau était un bien el devait durer.... Le poète historien donne raison à l'empire... Tandis que Racine n'a vu que l'insolente ambition d'Agrippine et les crimes de Néron, Corneille s'est appliqué à nous montrer la nécessité el les bienfaits de cette institution nou- velle. »

ComparezcejugementopposédeM. de Bornier^: «Servir l'É- tat, c'est en cela que se résume la politique cornélienne; mais l'œuvre oti cette politique est expliquée avec le plus de force et de grandeur, c'est certainement Cinna. Le poète jus- ticier, placé en face de la tyrannie, n'a que deux partis à pren- dre, la punir ou la convertir. Dans Héraclius, Corneille la punira; en attendant, il la convertit : c'est le sujet de Cinna. Auguste est frappé du coup le plus rude qui puisse atteindre un bon roi : les êtres qui lui sont le plus chers conspirent sa mort, et le poème blâme qui? Les conspirateurs? Non : il con- damne celui qu'on attaque. Pourquoi? Parce que dans Auguste il y a Octave, parce que l'empereur doux et bon a été le pres- cripteur impitoyable que 1 histoire ne peut oublier. »

11 y a une part de vérité dans ces deux théories, qui sem- blent s'exclure l'une l'autre : car le poète historien qui jus- tifie Octave n'a rien de commun avec le poète justicier qui le condamne. Toutes deux font Corneille trop systématique : il n'est ni Machiavel ni Juvénal; il se contente d'être Corneille. Et pourtant Cinna donne uae grande leçon morale en même temps qu'il offre un tableau historique saisissant. «La Répu- blique, a dit Montesquieu^, devait nécessairement périr; il n'était plus question que de savoir comment et par qui elle devait être abattue. » C'est là une sorte d'axiome historique; c'est aussi, dirait-on, le point de départ de la tragédie corné- lienne. On pourrait objecter sans doute que la république, après tout, n'est pas morte d'épuisement, puisqu'il a fallu verser des torrents de sang pour la faire disparaître. Un esprit

1. Le grand Corneille historien.

2. L.T, politique dans Corneille . i. Grandeur et décadence, XI« 

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