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Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/242

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_- CINNA

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��NOTICE SUR L'ÉPITRE A M. DE MONTORON

La dédicace de Cinna est plus célèbre que ne l'eût voulu Corneille ; il eut le malheur de produire le chef-d œuvre du genre et les « dédicaces à la Montoron » passèrent bientôt en proverbe. « Si vous ignorez ce que c'est que les panégyriques à la Montoron, dit Guéret 1, vous n'avez qu'à le demander à M. Corneille, et il vous dira que son Cinna n'a pas été la plus malheureuse de ses dédicaces. » Il paraît certain, en effet, que Corneille reçut de Montoron, non pas mille (comme on l'a souvent dit), mais deux cents pistoles. C est, du moins, le chiffre donné par Tallemant, qui dit aussi : « Tout s'appelait à la Montoron 2. » Ce présent dut être bien accueilli ; car Corneille, récemment marié, devenu, par la mort de son père chef d'une famille nombreuse, cherchait partout un appui qu'il ne trouvait pas toujours. Dans la dédicace d'Horace, il s'était fait honneur « d'être à Son Eminence » ; mais le cardinal, ce protecteur jaloux et peu sûr, était mort. Plus tard quand la centralisation monarchique aura placé le roi au-dessus de tout, les poètes ne dédieront plus leurs œuvres qu'au roi Mais le pouvaient-ils alors ? La dédicace de Cinna est datée de 1643 3; or, cette même année, Corneille écrivait la sévère épitaphe de Louis XIII, dont il flétrissait, peut-être avec excès.

L'ambition, l'orgueil, la haine, l'avarice.

Le roi disait-on 4, n'avait accepté la dédicace de Polyeucte qu'à la condition expresse qu'elle ne lui coûterait rien. « Les gens qui payent les épîtres dédicatoires sont bien rares aujourd'hui," dira, plus tard, Lesage, dans son Diable boi- teux. Il en restait quelques-uns encore, et, parmi eux, au premier rang, Montoron.

Pierre du Puget, seigneur de Montoron (quelques-uns écri- vent Montauron), était receveur général de Guyenne. Turca- ret vaniteux, plus que Mécène intelligent, il avait d abord suivi la carrière militaire comme officier dans le régiment des gardes. Corneille rappellera ces débuts ignorés et vantera 1e «  courage » de ce banquier, qui aurait pu devenir un héros

1. Promenade de Saint-Cloud.

2. VI, p 227.

3. L'achevé d'imprimer est du 18 janvier 1643.

4. Tallemant des Réaux, II, p. 248

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