ACTE I, SCÈNE IV 91
N'aigris point ma douleur par un nouveau tourment, Et ne me réduis point à pleurer mon amant.
CINNA.
Quoi! sur l'illusion d'une terreur panique, 30o
Trahir vos intérêts et la cause publique?
Par cette lâcbelé moi-même m'accuser,
Et tout abandonner quand il faut tout oser?
Que feront nos amis, si. vous êtes déçue?
EMILIE.
Mais que deviendras-tu, si l'entreprise est sue? 310
ClNNA.
S'il est pour me trahir des esprits assez bas,
Ma vertu pour le moins ne me trahira pas.
Vous la verrez, brillante au bord des précipices,
Se couronner de gloire en bravant les supplices,
Rendre Auguste jaloux du sang qu'il répandra, 313
Et le faire trembler, alors qu'il me perdra.
Je deviendrais suspect à tarder davantage. Adieu. RafiFermissez ce généreux courage. S'il faut subir le coup d'un destin rigoureux, Je mourrai tout ensemble heureux et malheureux : 320
305. Toutefois j'aurais tort de jeter dans les cœurs.
L'avis étant mal sur, de paniques terreurs. {Cid, m, vu.)
Une terreur panique, d'où, par ellipse, une panique, est une terreur imprévue et sans motif réel. « On en fait remonter l'origiiie à un capitaine nommé Pan, oui mit en fuite une armée ennemie en faisant pousser de grands cris à ses sol- dats dans une vallée remplie d'érhos, re qui effraya les autres, et leur fit croire qu'ils avaient en tête des forces supérieures aux leurs. D'autres croient que c'est une corruption de punique, et qu'il vient d'une fausse frayeur, autrefois conçue à Carthage. » (Dictionnaire de l'aLbé Prévost). — « Les Grecs ont attribué à leur Pan l'origine de cette terreur subite dont la cause est inconnue; mais, sui- vant d'autres, les Pans et les Satyres, effrayés de la mort d'Osiris, massacré par Typhon, firent retentir les rivages du Nil de leurs hurlements, et depuis on ap- pela terreur panique cette frayeur subite et vaine qui surprend. » [Dictionnairi de la fable.) Voilà bien des explications, dont pas une ne paraît satisf.iisante : le plus simple est de s'en tenir à celle que donne M. Littré : Ttavtxôç, de Ilàv, le dieu Pan, qui troublait les espiils.
309. u Si voiis êtes déçue purait amené ici par la tyrannie de la rime. C'est l'abandon de Ciiina qui compromet les conjurés, et non la déception d'Emilie. » (M. Geruzez.) Cela serait juste, si le verbe décevoir, tromper, n'avait eu alors, comme l'observe M. Marty-Laveaux, une signification plus étendue. Cinna de- mande à Emilie ce que deviendront les autres conjurés, si, trompé comme elle par une vaine terreur, il prend la fuite. Cette déception, ou, pour parler comme nous parlons, cette erreur d'Emilie peut avoir pour eux de graves conséquence». Le sens est précisé par la réponse d'Emilie, qui dit à peu [irès : Mais si cette terreur n'est pas vaine et si tu ne fuis pas, c'est toi-même qui es perdu.
313. Brillante au bord des précipices, métaphores légèrement incohérentes.
317. Sur d ainsi construit voyez la note du v. 108.
320. i< Boileau reprenait cet heureux et malheureux ; il y trouvait trop de re- cherche et je ne sais quoi d'alambiqué. » (Voltaire.) Boileau sans doute avait raison ; mais, si nous ne nous trompons, sa critique devait porter, moins inr
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