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Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/292

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t08 CINiNA

Sylla, quittant la place enfin b.en usurpée,

N'a fait qu'ouvrir le cliamp à César et Pompée,

Que le malheur des temps ne nous eût pas fait voir,

S'il eût dans sa famille assuré son pouvoir. 590

Qu'a fait du grand César le cruel parricide, / 1

Qu'élever contre vous Antoine avec Lépide, j; '

Qui n'eussent pas détruit Rome par les Romains,

Si César eût laissé l'empire entre vos mains?

Vous la replongerez, en quittant cet empire, 600

Dans les maux dont à peine encoïc elle respire.

Et de ce peu, Seigneur, qui lui reste de sang

Une guerre nouvelle épuisera son liane.

Que l'amour du pays, que la pitié vous touche! Votre Rome à genoux vous parle par ma bouche. 60!

Considérez le prix que vous avez coûté.

593. Selon Voltaire, «cet enfin gâte la phrase.» D'autres commentateurs pens au contraire, quVn^n a ici le sens de à la fin, définitivement, et expliquent

S lace où Sylla était enfin bien assis, après tant de guerres et de traver. I. Marty-Laveaui indique une nuance de sens dilTérente et traduit enfin pai tomme, après tout. C'est déjà trop qu'un vers ait besoin d'être interprété, et s tout qu'il prête à des interprétations si diverses.

594. Ouvrir le champ se disait également, au propre, d'ouvrir le champ c la lice, aui combattants, et, au Oguré, d'ouvrir la carrière, de laisser l'esp libre à quelqu'un.

595. <> Il semble que le malheur des temps ne nous eût pas fait voir le cha ouvert à C sar et à Pompée. » (Voltaire.) Il est vrai que la constriition manc de clarté ; mais nous ne savons si Voltaire a raison de rendre que par ce ç. malgré l'autorité d'exemples analogues, assez fréquents dans le Ihéàlre de Ce aeille. Selon nous, que se rapporte, grammaticalement, à César et à Pompé logiquement, à l'idée sous-entendue : le malheur des temps ne nous eût pas f voir César et Pompée, c'est-à-dire d'autres guerres civiles, si Sylla avait lég son pouvoir aux siens.

597. Sur le sens du mot parricide, voyez la note du v. 817. — « Il était tell ment impossible que la république pût se rétablir, qu'il arriva ce qu'on n'avi jamais vu, qu'il n'y eut plus de tyran, i.'t qu'il n'y eut pas de liberté. » (Mo tesquieu.) 59S. Que, autre chose que, si ce n'est :

Le chasser, c'est vous faire un puissant eanemi.

Sans obliger par là le vamqaeur gu'à demi. {Pompée, I, i.)

606. Dans Dion Cassius. Mécène adresse à Auguste les mêmes supplications.— « Ici, dit Voltaire, Cinna embrasse les genoux d'Auguste, et semble déshonorer les belles choses qu'il a dites par une perfidie bien lâche, qui l'avilit. Cette basse perfidie même «"mble contraire aux remords qu'il aura. On pourrait croire que c'est à M:ixime, représenté commp un vil scélérat, à faire le personnage do Cinna, et que Cinna devait dire ce ij"e dit Maxime. Cinna, que l'auteur veut et doit ennoblir, de\ait-il conjurer Auçn-te, à genoux, de garder l'empire, pour avoir un prétexte de l'assassiner? On est fâché que Maxime joue ici le rôle d'un digne Ilomain, et Cinna celui d'un fourbe qui emploie le raffinement le plus noir pour empêcher Auguste de faire une action qui doit même désarmer Emilie. » Rien de plus juste en soi : l'attitude équivoque de Cinna nous étonne et nous indigne; désormais, notre sympathie se détourne de lui pour se porter tout entière sur Auguste. Mais qui ne voit que Corneille l'a voulu précisément ainsi? Qu'importa, à ses yeux, que Cinna s'abaisse, puisqu'Auguste grandit?

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