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Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/326

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>42 CINNA

Pérouse au sien noyée, et tous ses habitants. Remets dans ton esprit, après tant de carnages, De tes proscriptions les sanglantes images, Où toi-même, des tiens devenu le bourreau, Au sein de ton tuteur enfonças le couteau, M40

Et puis ose accuser le destin d'injustice Quand tu vois que les tiens s'arment pour ton supplice, Et que, par ton exemple à ta perte guidés, Ils violent des droits que tu n'as pas" gardés I Leur trahison est juste, et le ciel l'autorise; H45

Quitte ta dignité comme tu l'as acquise ; Rends un sang infidèle à l'infidélité, Et souffre des ingrats après l'avoir été. Mais que mon jugement au besoin m'abandonne!

1136. Après la bataille de Philippes, Fulvie et les partisans d'Antoine, alors dominé par Cléopâtre, avaient suscité contre Octave la guerre de Pérouse (an 712 de Rome). Octave, vainqueur, s'empara de la ville et massacra une partie des habitants. — L'Epitome de Tite-Live et Florus rapportent inexactement les cir- ronstances de la guerre de Pérouse. — A, pour dans; voyez la note du v. 196.— Et tous ses habitants, ainsi que tous ses liabitants, ellipse commune alors:

Albe le veut et Rome; il leur faut obéir. (Horace, 630.)

1137. Remets dans ton esprit, in mentem tuam revoca. « Remettez-vous dans resprit l'état où était l'Amérique avant qu'elle eût été découverte par Christophe Colomb. » (Fonfenelle.) — Tant de carnages; on a déjà remarqué que Corneille et les écrivains du ivn' siècle aimaient ces pluriels des noms abstraits. Bossuet a dit aussi {Rist., III, 7) : « Sylla fit des cai'7mges effroyables. »

1140. Le tuteur d'Auguste était précisément le père" d'Emilie, Toranius; voyez sur lui la note du v. 12. — Au sein, dans le sein.

il41. Var. Et puis ose accuser ton destin d'injustiee.

Si les tiens maintenaot s'arment pour ton supplice.

Et si, par ton exemple à ta perte guidés (1G43-66.)

1144. « Le crime d'Emilie et de Cinna a pour excuse le crime d'Octave, et Auguste est bien forcé de se l'avouer à lui-même. Ainsi le passé se dresse devant l'ancien proscripteur ; nul moyen d'échapper au fantôme implacable, et c'est le châtiment d'Auguste d'être forcé de reconnaître que ses assassins d'aujourd'hui go.it les vengeurs légitimes de ses assassinats d'autrefois. Pour échapper à ce spectre, il n'est qu'un seul refuge: la clémence. » (H. de Bornier, La politioue dans Corneille.)

1147. Cette mauvaise antithèse est la seule ta(he qui dépare le monologue d'Auguste. Plusieurs éditeurs pensent que Corneille s'est souvenu ici do la pre- mière strophe des Larmes de S.Pierre, où le jeune Malherbe, faisant allusion à l'abandon d'Ariane par Thésée, dit qu'elle fît de ses fureurs Une fidèle preuve à Tinfidélité. Rien n'est moins certain. Il ne faut voir, sans doute, dans ce trait, qu'un da ces concetti que le goût public, mal formé encore, excusait, admirait même. Longlenips après Cinna, Molière faisait dire par Arsinoé à Alceste, dans ce Mi- êanthrope qui s'ouvre par une si excellente leçon de bon goût : Lii, je vous ferai voir une )ireuve fidèle De Vinfulclilé du cœur de cette belle. (III, vn.) La réfétition a pu échapper à Molière, mais elle est voulue chez Corneille; au IKste, Malhcibe lui-mè'ne imite l'Italien Tansillo. 1149. Besoin, au ïvu* siècle, a souvent le sens d'occasion pressante, de péril

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