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22 POLYEUCTE

La profession de foi d'Adrien, comme celle de Théodore, rappelle celle de Polyeiicte, avec moins de fermeté précise:

La nouveauté, seigneur, de ce Maître des maîtres Est devant tous les temps et devant tous les êtres : C'est lui qui du néant a tiré l'univers. Lui qui dessus la terre a répandu les mers. Qui de l'air étendit les humides contrées, Qui sema de brillants les voûtes azurées, Qui iît naître la guerre entre les éléments Et qui régla des cieux les divers mouvements- La terre a son pouvoir rend un muet hommage ; Les rois sont ses sujets, le monde est son partage. Si l'onde est agilée, il la peut raffermir; S'il querelle les vents, ils n'osent plus frémir; S'U commande au soleil, il arrête sa course; Il est maître de tout, comme il en est la source; Tout subsiste par lui, sans lui !*'eu n'eût été. De ce Maître, seigoeur, voilà la nouveauté*.

Si les stances de Genest dans sa prison n'ont pas l'ampleur des stances de Polyeuctc, elles sont peut-être pénétrées d'une mélancolie plus moderne ^. Mais que la situation est diffé- rente ! Le combat qui se livre dans l'âme de Genest, ce païen farouche devenu chrétien fervent, n'est point le combat émouvant de l'amour humain contre l'amour divin, car Genest est seul, et n'a même pas près de lui, comme l'Adrien dont il joue le rôle, sa Nathalie, image effacée de Pauline, comme Anthime est l'imag-e effacée de Néarque. Dès lors l'issue de la lutte se laisse trop prévoir, ou plutôt la lutte n'existe plus : en vain la comédienne Marcelle, une Stratonice animée de préjugés aussi aveugles, mais qui remplace les injures par des raisonnements, se fait, avec une chaleureuse âprelé, l'écho des objections dirigées par Celse contre le christianisme : on sait trop d'avance qu'elle sera vaincue. Entre la haine des persécuteurs et l'enthousiasme du néophyte on cherche, sans la trouver, l'indulgente philosophie d'un Sévère. En revanche, tout se précise et s'anime: c'est dans les coulisses d'un théâtre que nous sommas tRtroivtcts ; co n'est pas un martyr quelconque, c'est le comédien Genest qui est le héros du drame, et sa profession, que le poète a soin de ne nous laisser jamais oublier, donne un relief plus vivant à ses moindres paroles. De là un intérêt de curiosité, en mémo

��1. Saint Genest, III, 2.

2. Voyez ces stances à la scène ii, de l'acte FV. On trouvera dans les note* beaucoup d'autre* rapprocbemeots de détail-

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