Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/394

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3<» POLYEUCTE

maïs après la foule entra la police., gui invoqua les privilèges des comédiens et fit défense à Adrienne Lecouvreur d'avoir du génie sans patente. Il faut avouer que les comédiens officiels avaient raison de prendre leurs précautions, car, pendant le siècle entier, leur médiocrité ne se démentit pas. Philippe Poisson, auteiar et acteur, n'était que passable dans Sévère; Beaubourg y était exagéré, et Quinaull-Dufresne, qui lui succéda, pour avoir essayé d'être simple et vrai, se vit sifflé par le parterre. Bazouin de Fontenai, Dangeville et Dorival, dans le rôle de Polyeucte, n'ont laissé que des souvenirs effacés, et si Lanoue n'y déplut pas, c'est qu'il avait, dit Collé dans ses Mémoires, une vilaine effigie de martyr ou de roué. 11 faut aller jusqu'au seuil du xix" siècle, jusqu'à Talma', pour retrouver un lival du vieux Baron.

Comment bien rendre ce que l'on comprend mal? Or, tout le xvni^ siècle a mal compris Fotijeiicie. Parmi les critiques, les uns se sont contentés de prodiguei- à la comédie corné- lienne les banales périphrases d'une rhétorique sentimentale jusqu'à la niaiserie. Gaillard écrit, par exemple : « Pauline, ô femme céleste, femme sublime et tendre! Pourquoi, quand mon cœur t'admire, mes yeux sont-ils baignés de larmes? ;> Les autres, comme Voltaire et La Harpe, ont mis au premier plan ce qui, dans l'intention de Corneille, devait rester au second, l'amour de Sévère et de Pauline, et ont proclamé bien haut que, sans cet amour, la pièce ne pourrait nous émouvoir. On conçoit avec quel empressement les critiques étrangers se sont fait l'écho de cette condamnation tran- chante, qui méconnaissait les beautés essentielles dune œuvre fort admirée à l'étranger même. Polyeucte, en effet, — sans parler des nombreuses contrefaçons et traductions hollandaises, — avait été traduit en anglais, en espagnol, en italien, en danois, en russe. Les Allemands n'en avaient pas donné moins de sept éditions, dont une, il est vrai, celle de Christophe Kormart (1679) égayait le texte de Corneille par des « inventions nouvelles », telles que fréquents change- ments de scène et larges modifications dans les caractères : Néarque y gagnait un peu plus d'enthousiasme, mais les autres figures cornéliennes s'y faisaient beaucoup plus vul- gaires. On avait eu là un Polyeucte germanique, presque bourgeois.

1. Talma jouait Sévère. Lemazurier cite, dans le rôle de Pauline, ao XTii« siècle, M"» Belonde, médiocre, et M'"» de Chnmpvallon; au xviii», M°" Dan» geyille, M"' Gauthier et M"« Dubois; dans le rôle de Stratonice, M°" Préville, oui se tourna bientôt vers la remédie; dans le rôle de Félix, Drouia de Bercj •* Vanhove, «elui-ci très pathéticiue.

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