Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/395

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

INTRODUCTION 31

Cette vengeance nationale ne parut point sufilsanle à Lessing : « Corneille, écrivait-il', a lait de son hércs un danseur de corde : quand il veut le faire mourir, c'esl-à-dire au moment où il veut nous toucher le plus forlemenl, il lui fait débiter un certain nombre de magnifiques gasconnadcs sur son mépris de la niorl et sur sonindiltërcnce à l'égard de la vie. La compassion décioil précisément dans la pro- } orlion où l'admiration s'accroit. Par ce principe, je licna le Pûlyeude de Corneille pour blâmable, quoiqu'en raison de beautés bien différentes il ne doive Jamais cesser da plaire. Polyeucte veut devenir martjT, il aspire à la mort et aux tortuies, il les considère conrime le premier degré d'une vie infiniment heureuse; j'admire le pieux enlhousiastc, mais je craindiais de courroucer son esprit dans le sein de la béatitude éternelle, si j'éprouvais pour lui quelque compas- sion. » Dans sa Dramaturgie de Hambourg, à propos (ÏOlinte et Sophronie, tragédie allemande, imitée de Polijeudc par un certain de Cronegk, il insiste sur les mêmes critiques avec la même légèreté. Selon lui, les coups de la grâce ne sont point dramatiques, parce qu'ils détruisent l'économie des caractères et des résolutions. Il condamne donc l'intro- duction du merveilleux dans le monde moral. « Mais s'il existe, lui répond M. Crouslé"^, un genre de sujets où l'in- tervention divine soit attendue et presque nécessaire, com- ment y pourrait-elle violer la règle de la vraisemblance? Or, telle est l'essence des sujets chrétiens; Lessing l'avoue lui- même, puisqu'il leur reproche comme un vice qui leur est inhérent l'emploi du merveilleux. Ce qui est nécessaire ne peut être blâmable, et ce qu'on prévoit ne peut choquer. » Mais Lessing, qui s'était donné pour mission de combattre l'influence française, alors prépondérante en Allemagne, s'inquiétait peu des armes dont il se servait : c'est ainsi qu'il exige que les martyrs n'agissent que sous l'impulsion de motifs humains très impérieux et très clairs, comme si Ton pouvait concevoir un martyr purement « raisonnable », un martyr que la foi religieuse ne prenne pas tout entier!

Disciple de Voltaire comme Lessing, W. Schlegel est en- core moins intelligible dans ses critiques plus mesurées dans la forme. « On convient, écrit-il, que la situation de Pauline et le caractère de Sévère font le plus grand charme de la pièce. Mais la générosité active d'un jeune héros dont

��1. Lettre à Mendelssohn, 18 décembre 1756, citée dan» Le$ting tt U goût français en Allemagne, da M- Crouslé. «. Ibidtm.

�� �