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INTRODUCTION 43

ainsi dire, les emportements d'une vertu qui pourrait so?nh'i r extrême. « C'est un caractère tout grand, tout désmléies-sf. tout chevaleresque en un sens, mais un rôle liumain ; c'est l'idéal humain de la pièce, dont le reste exprime l'idéal chi'é- tien ' ».

Personne n'a mieux apprécié que M. Saint-Marc Girard in la grandeur réelle de ce caractère et cette sorte d'héroïsme de la délicatesse qui le distingue : « Sévère est l'amant hon- nête homme; il s'arrête avec respeci devant l'obstacle que lui crée la vertu de Pauline. 11 ne songe pas un seul instante profiter pour son amour de la misérable politique de Félix. S? générosité n'est pas seulement l'effet d'un noble caractère il croit à la vertu et >-urlout à celle de Paulin-', il croit à l'au- torité du devoi]' que Pauline lui oppose. Entre eux il n'y a pas seulement un lien d'amour qui les rapproche, il y a un lien d'honneur qui les sépare. A.ussi ils se quittent sans hésitation, tristes, émus, mais décidés et sacriOant la passion à la loi, au lieu d'affaiblir ou d'incliner la loi devant la passion*. » Celui que Pauline appelle c le grand Sévère » impose à tous, sauf à Félix, l'estime de sa vertu désintéressée. Lui-même, Polyeucte, ne fait jamais à son rival l'injure de se délier de lui; jamais il ne doute de sa délicatesse ni de sa générosité. Sévère lient à lui prouver qu'il a raison : c'est à lui que Pau- line ne craint pas de s'adresser pour sauver Polyeucte ; c'est lui qui eût sauvé le mari de Pauline s'il eût été possible de le sauver.

Mais que cette figure aimaWe s'efface dès que l'austère figure de Polyeucte martyr se dresse en face d'elle! Tant que tous deux n'ont été que des hommes, notre admiration a pu llottor, incertaine, de l'un à l'autre; mais Sévère reste homme jusqu'au bout, tandis que Polyeucte ne cesse de grandir au-dessus de l'homme. Après bien des luttes cruelles, Po- lyeucte rejette bien loin, sinon toute tendresse humaine, du moins toute expression banale de cette pensée; Sévère soutire, mais reste un parfait chevalier, un héros galant et roma- nesque, à qui le langage de la galanterie et des romans est trop familier. Il est le témoin ému, mais un peu surpris, de tant d'événements terribles, de tant de coups de la grâce im- prévus. Son âme — qu'on nous passe l'expression — reste à un étage au-dessous : il est le type même de l'honnête homme ; Polyeucte est le type même du héros tragique et du héros chrétien.

��1, Sainte-Beuve, Port-Royal, I, 6. î. Cours de littérature dramatique.

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