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Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/408

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44 POLYEUCTE

Ce qui, malgré tant de qualités charmantes, fait l'infério* rite dramatique du caractère de Sévère, c'est qu'il est pris entre les deux caractères héroïques de Polyeucte et de Pau- line. Celle-ci, en effet, n'est pas seulement une femme, la plus exquise, avec Chimène, des femmes de Corneille, c'est aussi une prosélyte chrétienne, et l'art admirable du poète a su fondre ces deux éléments si divers dans une harmonie qu'il n'a pas souvent réalisée ailleurs. Le caractère de Pauline est un des caractères les plus nuancés, les plus vraiment fémi- nins qu'ail peints Corneille. « Elle a, elle garde, même dans son impétuosité et dans son extraordinaire, des qualités de sens, d'intelligence, d'équilibre qui en font une héroïne à part, romaine sans doute, mais à la fois bien française. Pauline n"est pas du tout passionnée dans le sens antique;' l'amour, comme elle peut le ressentir, ne rentre pas dans ces maladies fatales, dans ces vengeances divines dont les Didon et les Phèdre sont atteintes. Elle n'a pas non plus la mélancolie moderne et la rêverie de pensée des Marguerite, des Ophélie. Pauline est précise, elle est sensée. Au fond la raison règle et commande ce caractère si charmant, si solide et si sérieux, une raison capable de tout le devoir dévoué, de tous les sacrifices intrépides, de toutes les délicatesses mélan- gées, une raison qui, même dans les extrémités, lui conserve une sobriété parfaite d'expression, une belle simplicité d'atti- tude. C'est assez comme en France : la tête dans la pas- sion encore et dans les choses de cœur entre pour beau coup *. »

Malheureusement, comme l'a fort bien dit M. Merlet^, le signe de la tendresse chez nous paraît être je ne sais quoi d'égaré, d'éperdu. Toujours mesurée, Pauline n'a point paru vraiment passionnée aux uns; aux autres, elle l'a paru trop. Celte (c sainte de Thonneur conjugal' » qui n'est ni une prude ni une précieuse, qui se contente d'être une honnête femme, qui a plus de pureté et de sévérité que de naïveté et d'abandon, a paru bien froide aux admirateurs de la Zénobie plus théàtiale de Crébillon. Au xvii^ siècle, il est vrai, Racine avait donné à Pauline une sœur en tout point digne d'elle, celte délicieuse Monime, si naturelle, si discrète ; mais, dix ans auparavant, dans sa NUétis (1663) M™^ de Villedieu avait fait dire. à son héroïne, surprise par son mari en compagnie d'un autre Sévère :

��1. Port-Royal, I, 6.

S. Études sur les classiques du baccalauréat,

3. Saint-Marc Girardin, Court de littérature dramatiqu».

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