Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

INTRODUCTION 25

Sabine, bien imaginé pour iniroduire les passionsd'une femme à cùlé de celles d'une amanle, la manière émouvante et rapide dont l'action est engagée : « Le plus bel artifice est d'ouvrir le théâtre le plus près possible de la catastrophe. Le théâtre des Homces est ouvert un moment devant le combat et après le choix des six combattants, qui en sont avertis aussitôt qu'ils paraissent* ». Mais il signalait l'inutilité de l'oracle, qui ne tait point le nœud de la pièce, et dont les spectateurs ne se donnent pas la peine de pénétrer le sens. Le discours de "Valèi-e au cinquième acte lui semblait froid, inutile et odieux : car, dans le cours de la pièce, Valère n'avait point paru touché d'un si grand amour pour Camille: « Selon l'iiumeur des Français, il devrait chercher une plus noble voie pour venger sa maîtresse, et nous souffririons plus volontiers qu'il étranglât Horace que de lui faire un procès 2. » Comme on voit que d'Aubignac n'était pas Normand !

Comme on voit aussi toute la distance qui sépare la spécu- lation de l'art! Sait-on quelle péripétie l'ingénieuxd'Aubignac avait imaginé de substituer au meurtre de Camille, dont son humanité était blessée? Lui-même se chargera de nous l'ex- poser: « La scène ne donne point les choses comme elles ont été, mais comme elles devaient être... C'est pourquoi la mort de Camille par la main d'Horace, son frère, n'a pas été ap- prouvée au théâtre, bien que ce soit une aventure véritable, et j'avais été d'avis, pour sauver enquelque sorte l'histoire et tout ensemble la bienséance de la scène, que cette fille déses- pérée, voyant son frère l'épée à la main, se fût précipitée dessus; ainsi elle fût morte par la main d'Horace, et lui eût été digne de compassion, comme un malheureux innocent. L'histoire et le théâtre auraient été d'accord^. » Etrange accord, en vérité, et qui n'épargn<^rail pas à Horace l'oclieux d'une action dont il aurait déjà conçu la pensée, sans avoir le temps de l'accomplir!

En face de ces critiques souvent puériles, toujours pédan- fesques, quelle était l'attitude de Corneille? S'il a sollicité sincèrement l'avis de Boisrobert, deChapelain et ded'Aubignac, nous allons le voir sans doute accueillir leurs critiques, les discuter tout au moins. Il en discutera quelques-unes, en effet, dans son Examen, mais sans écrire jamais le nom d'un seul de ses contradicteurs; or, l'examen d'Horace ne parut que trois ans après le grand ouvrage de l'abbé d'Aubignac, la Fror

1. Praf'ique du théâtre, de l'abbé d'Aubignac; II, 3, 7; IV, 9. î. Ibidem, il, 9; IV, «  f. Ibidem, II, I.

�� �