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Poétique de notre philosophe, mais a fait un Traité de la constitution de la Tragédie selon sa pensée", nous en a donné une sur le martyre des Innocents 2. L'illustre Grolius ^ a mis en scène la Passion même de Jésus-Christ et l'histoire de Joseph ; et le savant Buchanan * a fait la même chose de celle de Jephté, et de la mort de saint Jean-Baptiste. C'est sur ces exemples que j'ai hasardé ce poème, oti je me suis donné des licences qu'ils n'ont pas prises, de changer l'his- loire en quelque chose, et d'y mêler des épisodes d'invention : aussi m'élait-il plus permis sur cette matière qu'à eux sur celle qu'ils ont choisie. Nous ne devons qu'une croyance pieuse à la vie des saints, et nous avons le même droit sur ce que nous en tirons pour le porter sur le théâtre, que sur ce que nous empruntons des autres histoires ; mais nous devons une foi chrétienne et indispensable à tout ce qui est dans la Bible, qui ne nous laisse aucune liberté d'y rien changer. J'estime toutefois qu'il ne nous est pas défendu d'y ajouter quelque chose, pourvu qu'il ne déti uise rien de ces vérités dictées par le Saint-Esprit. Buchanan ni GroLius ne l'ont pas fait dans leurs poèmes ; mais aussi ne les ont-ils pas rendus assez tournis pour notre théâtre, et ne s'y sont proposé pour exemple que la constitution la plus simple des anciens. Ilein- sius a plus osé qu'eux dans celui que j"ai nommé : les anges qui bercent l'enfant Jésus, et l'ombre de Mariane avec les Furies qui agitent l'esprit d'Hérode, sont des agréments qu'il n'a pas trouvés dans lÉvangile. Je crois même qu'on en peut supprimer quelque chose, quand il y a apparence qu'il ne plairait pas sur le théâtre, pourvu qu'on ne mette rien en la place; car alors ce serait changer l'histoire, ce que le respect que nous devons à l'Écriture ne permet point. Si j'avais à y exposer celle de David et de Bethsabée, je ne décrirais pas comme il en devint amoureux en la voyant se baigner dans une fontaine; mais je me contenterais de le peindre avec de l'amour pour elle, sans parler aucunement de quelle manière cet amour se serait emparé de son cœur.

��1. De constitutione tragica secvmdum Aristoielcm (1611).

2. C'est l'Herodes infanticida. qui souleva une querelle si vive entre Ileinsius et Balzar. Celui-ci écrivait pourtant de son adversaire : a Je sais qu'il est la docteur de notre siècle et qu'il le sera de notre postérité; je ne dis pas que j'ai de l'estime, ce terme est inférieur à mon sentiment, mais j'ai une espèce da dévotion pour tous ses ouvrapes. •. (Dissertation sur VHcrodes infanticida.)

3. Hugues de Groot, né à Delft en 1583. mort vers 1645, deux fois exilé de sa patrie, résida longtemps en France. Il avait composé trois tragédies latines : Adamus exsul, Christus patiens et Sophompanens (le Sauveur du monde.]

■4. Savant écossais, poète et historien (1506-1582) C'est à Bordeaux, où il pro» fessa, qu'il composa les pièces dont parle Corneille.

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