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ACTE I, SCÈNE I 71

Comment en pourrez-vous surmonter les douleurs, Si vous ne pouvez pas résister à des pleurs?

POLYEUCTE.

Vous ne m'étonnez point : la pitié qui me blesse 80

Sied bien aux plus grands cœurs, et n'a point de faiblesse.

Sur mes pareils, N'éaique, un bel œil est bien fort:

Tel craint de le fàcber qui ne craint pas la mort;

Et, s'il faut affronter les plus cruels supplices,

Y trouver des appas, en faire mes délices, 90

Voire Dieu, que je n'ose encor nommer le mien,

M'en donnera la force en me faisant cbrétien.

NÉARQUE.

Hâtez-vous donc de l'être.

POLYEUCTE.

Oui, j'y cours, cher Néarque ; Je brûle d'en porter la glorieuse marque. Mais Pauline s'afflige, et ne peut consentir, 95

Tant ce songe la trouble, à me laisser sortir.

NÉARQUE.

Votre retour pour elle en aura plus de charmes ; Dans une heure au plus tard vous essuierez ses larmes ;

��85. Etonner, très fort alors, a beaucoup perdu de son énergie primitive :

N'excusez point par là cens que son bras étonne. [Cid, 1433.)

Mon génie étonné tremble flevant le sien. (Racine, Britannicus, II, 2.)

« Mon Dieu, pourquoi vois-je devant moi ce visage dont vous éfonnex les réprouvés? » (Bossuet, Premier Sermon pour le vendredi saint.) — blesser se disait très souvent au figuré, jiarticulièrement en parlant de la pitié, do l'amour, et, en général, de tous les sentiments tendres ou tristes.

Que j'aime la douleur dont mon âme est blessée! (Rotrou, Clorinde, V, ♦.)

86. M"« de Scudéry fait dire, en parlant de l'amour, à Artamène, l'un de ses héros de roman : « Cette faiblesse est glorieuse et il faut avoir l'àme grande pour en être capable. »

87. « Ce terme de pareils, dont Rotrou et Corneille se sont toujours servis, et que Racine n'emploie jamais, semble caractériser une petite vanité bourgeoise. » (VdLTiiBE.) Est-ce aussi une petite vanité bourgeoise qui inspire Rodrigue lors- qu'il s'écrie :

Jfe» pareils à denx fois ne se font pas connaître? {Cid, 409.)

Quant à l'expression un bel œil, elle fait partie du langage convenu de la galanterie au début du ivii' siècle, et n'est pas mieux placée dans Horace :

Que les pleurs d'une amante ont de puissants discours, Et qu'un bel œil est fort avec un tel secours ! (B78.)

88. Voltaire critique fâcher un bel œil; mais un bel œil a ici le sens évident qu'a une beauté en bien d'autres passages.

94. « Le nom de Néarque permet cette fois à Corneille de ne pas faire rimtr marque avec monarque. Ailleurs il n'y manque pas. » ^M. OArozez.)

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