74 POLYEUGTE
POLYEUCTE.
Un songe vous fait peur ?
PAULINE.
Ses présages sont vains, Je le sais ; mais enfin je vous aime, et je crains. 120
POLYEUCTE.
Ne craignez rien de mal pour une heure d'absence. Adieu : vos pleurs sur moi prennent trop de puissaiicc ; Je sens déjà mon cœur prêt à se révolter, Et ce n'est qu'en fuyant que j'y puis résister.
��. SCÈNE III.
PAULINE, STRATONICE.
PAULINE.
Va, néglige mes pleurs, cours, et le précipite 125
Au-devant de la mort que les dieux m'ont prédite ; Suis cet agent fatal de tes mauvais destins, Qui peut-être te livre aux mains des assassins.
Tu vois, ma Stratonice, en quel siècle nous sommes : Voilà notre pouvoir sur les esprits des hommes ; 130
Voilà ce qui nous reste, et l'ordinaire effet De l'amour qu'on nous offre, et des vœux qu'on nous fait. Tant qu'ils ne sont qu'amants, nous sommes souveraines, El jusqu'à la conquête ils nous traitent de reines ;
120. A propos de ce vers, M. Gidel rappelle le vers d'Ovide ; Res est soUiciti plena timoris aiaor. (Héroides, I.)
121. On peut accorder à Voltaire qae ce vers est asseï prosaïque. Mal est pris 'ci adjectivement.
122 Les plus enflammés 8'eiroreent de hair
Sitôt qu'on prend sur eux unpeu trop de puissance' liics, 1576.)
124. Et ce n'est qu'en fuyant ; voyez la note du v. 10^.
127. Agent se prenait dans le sens défavorable ussi bien que dans le gens favorable. Corneille dit même agente. (Veuve, 744.) CeUe acception a vieilli. Fatal a ici toute la vabur de sa signification étyniol igique : c'est la des- tinée qui a fait de Néarque l'agent de la perte de Polyeucte.
129. Var. Voilà, ma Stratonice, en ce siècle où nous sommes,
Notre empire absolu sur les esprits des hommes. (16^3-1656.)
130. « Ces deux vers sentent la comédie. Le peu de rimes de notre langue fait que, pour rimer à hommes, on fait venir comme on peut le siècle où nou* gommes, l'état où nous sommes, tous tant que nous sommes. «(Voi.taibb). M. Gé- tuzez observe que Voltaire lui-même n'a pas toujours triomphé de cette difii* culte, et qu'il a écrit :
Exterminez, grand Dieu, de la terre où nous somme* Quiconque avec plaisir répand le sang des homme.*.
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