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S2 POLYEUGTE

SÉVÈRE.

Qu'à des pensers si bas mon ame se ravale!

Que je tienne Pauline à mon sort, inégale;

Elle en a mieux usé, je la dois imiter; 395

Je n'aime mon bonheur que pour la mériter.

Voyons-la, Fabian, ton discours m'importune;

Allons mettre à ses pieds cette haute fortune :

Je l'ai dans les combats trouvée heureusement

En cherchant une mort digne de son amant; 400

Ainsi ce rang est sien, celte faveur est sienne,

Et je n'ai rien enfm que d'elle je ne tienne.

FABIAN.

Non, mais, encore un coup, ne la revoyez point.

SÉVÈRE.

Ah! c'en est trop ; enfin éclaircis-moi ce point:

As-tu VU des froideurs quand tu l'en as priée? 405

FABIAN.

Je tremble à vous le dire; elle est...

sÉviinR.

��FABIAN.

��Quoi?

Mariée.

��303. Sur pensers, voyez la note du v. 1005 et le v. 1049. — Se ravnler à était alors plus usité qu'aujourd'hui dans le style soutenu, pour : s'avilir jusqu'à, descendre à.

Dois-je me ravaler jasques à la bassesse

D'exiger île ce cœur îles marques de tendresse? {Sertoriits, 281.)

>94. Inégale à, inférieure à, au dessous de.

Inégal en fortune d ce qu'est cette belle. {Suivante, 1377.)

395. Elle en a mieux usé, c'est-à-dire : plus noble a été sa conduitoi,

396. Remarquez aimer dans le sens d'être heureux de :

Aime, aime celte mort qni fait notre bonheur. {Borace, 1298.)

401. Dieu prodigne ses biens

A ceux qui font vœu d'être siens. (Li Fontaine, Fables, VII. 3.)

Il y a quelque peu de raffinement dans ce couplet de Sévère, qui veut dir* simplement : c'est pour me rendre digne de Pauline que j'ai tout fait. Avec moins^ de sul)tilité, le Titus de Racine explique aussi à son confident comment la seule envie de plaire à Bérénice l'a rendu brave et bienfaisant : « Je lui dois tout, Paulin. »

403. On retrouvera encore un coup au v. %1 ; cette locution était alors moins familière qu'aujourd'liui :

Va-t-en. encore un coup, je ne t'éconte pins. {Cid, 992.)

Madame, encore un coup, cet homme est-il à vous? [Nicomède, 202.)

405. Quand tu l'en as priée; en exprime ici l'idée sous-entendue, mais l»tt- jours présente à l'esprit de Sévère, d'une entrevue avec Pauline.

406. Avec Voltaire on peut juger qu'il y a un peu d'artifice dans ce coup de théâtre, et qu'il est peu vraisemblabls, d'ailleurs, que Sévère ait pi: ignorer jusqu'à ce moment la mariage de Pauline.

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