98 POLYEUCTE
SCÈNE II
SÉVÈRE, PAULINE, STRATONICE, FABlAN.
PAULINE.
Dui, je l'aime, Seigneur, et n'en fais point d'excuse;
Que tout autre que moi vous flatte et vous abuse,
Pauline a l'âme noble, et parle à cœur ouvert.
Le bruit de votre mort n'est pas ce qui vous perd.
Si le ciel en mon choix eût mis mon hyménée, 465
A vos seules vertus je me serais donnée,
Et toute la rigueur de votre premier sort
Contre votre mérite eût fait un vain elTort.
Je découvrais en vous d'assez illustres marques
Pour vous préférer même aux plus heureux monarques; 470
Mais, puisque mon devoir m'imposait d'autres lois.
De quelque amant pour moi que mon père eût fait choix,
Quand à ce grand pouvoir que la valeur vous donne
Vous auriez ajouté l'éclat d'une couronne,
Quand je vous aurais vu, quand je l'aurais haï, * 475
J'en aurais soupiré, mais j'aurais obéi,
Et sur mes passions ma raison souveraine
Eût blâmé mes soupirs et dissipé ma haine.
461. Var. Coi, je raime, Sévère, et n'en faia point d'eseuse. (1643-166*.)
Je n'en fais point d'excuse, je ne m'en excuse point, je n'essaye pas de me disculper :
J'atteste qu'on m'y force, et n'en fais point d'excuse. {Andromède, 1683.)
463. Le Britannicus de Racine dit à Junie en parlant de Néron : Il hait d cœur ouvert ou cesse de haïr. (Britannicus, V, 1.)
469. Voltaire observe que marques rime souvent avec monarques chez Co»^ neille, et que le sens de ce mot (indices, témoignages, preuves de mente) rest» assez vague. On trouve d'ailleurs, dans le théâtre de Corneille, d'assez nom- Sreux exemples de ce mot associé à l'épithète illustre :
Je hais, je règne encor. Laissons d'illustres marques
En quittant, s'il le faut, ce haut rang des monarques. (Rodogune, 411.)
Nous céderons sans honte à cette illustre marque. [lOid, 920.)
Bossuet a écrit : " lis ont donné A'illustres marques de valeur. » [Hist. nat., lil, 5.) Au reste, Corneille emploie volontiers illustre en parlant des choses) comme dans ce vers hardi de la Mort de Pompée : Et eon dernier soupir fut un soupir illustre. II, 2.)
477. Voyez, dans l'Introduction, le jugement de Sainte-Beuve sur cette raison qui caractérise Pauline. Dans son commentaire sur Cinna, Voltaire blâme tur,
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