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Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/474

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ilO POLYEUCTE

Dieu fait part, au besoin, de sa force inflnie. Qui craint de le nier, dans son âme le nie ; Il croit le pouvoir faire, et doute de sa foi.

NÉARQUE.

Qui n'appréhende rien présume trop de soi. 680

POLYEUCTE.

J'attends tout de sa grâce, et rien de ma faiblesse. Mais, loin de me presser, il faut que je vous presse ! D'où vient cette froideur?

^ÉARQUE.

Dieu même a craint la mort.

POLYEUCTE.

Il s'est offert pourtant : suivons ce saint effort;

Dressons-lui des autels sur des monceaux d'idoles. 683

Il faut, je me souviens encor de vos paroles,

Négliger, pour lui pluire, et femme, et biens, et rang,

Exposer pour sa gloire et verser tout son sang.

Hélas! qu'avez-vous fait de celte amour parfaite

Que vous me souhaitiez et que je vous souhaite? 690

677. Fait part de, fait partager aux hommes, leur donne une pari de sa force, la leur communique :

Elles nou» feraient part enfin de leur faiblesse. {Horace, 884.)

Au XVII" siècle, besoins, souvent le sens d'occasion pressante, de péril même. Au besoin signifie donc : quand le besoin s'en fait sentir, dans le danger :

Qu'est le feu de ton zèle au besoin devenu? (MxLHEnnE, I, 4.)

Ma constance, au besoin, me fournil un remède. (Rornou, Diane, IV, 9.)

Ainsi donc, au besoin, ton cour.ige s',-ili,il ! {Cid, l'.'O.)

Mais qua mon jugement au besoin m'abandonne! {Ctnna, 1149.)

Forts de cet appui divin, les martyrs s'élevaient à un stoïcisme chrétien qui les rendaient presque insensibles à la douleur. « Non sentie, quia Domi- nos mecum est, » disait saint Théodoret au milieu des supplices. Dans le Saint Genest de Rolrou, Adrien prisonnier s'écrie :

Cette vigueur peut-être est un effort humain. Non, non, celte vertu. Seigneur, vient de ta main; L'âme l'a prise au lieu de sa propre origine, Et. comme les effets, la source en est divine. (II, 6.)

678. Certaines éditions expliquent gui craint de le nier par : qui n'ose pas déclarer à la face de tous que Dieu n'existe point. Il nous parait que c'est là un vrai contresens. Tout ce qui précède et ce qui suit indique très clairement que Polyeucte veut dire : qui craint de renier son Dieu devant l'horreur dei supplices le nie déjà au fond de son âme, car c'est douter de sa foi que craindre de n'avoir pas la force de le confesser. // croit le pouvoir faire, e'est-à-dire renier Dieu devant les bourreaux.

680. Voyez les v. 75 et 76 que reproduisent les deux vers suivants.

689. Sur le genre féminin du mot amo}tr, voyez la note du vers 313.

690. Néarque a dit, en effet, à. Polyeucte dans la boène première du pre- mier acte : c

��Mais qae vous êtes loin de cette ardeur parfaite Qui TOUS «st nécessaire et que je vous souhaite 1

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