34 HORACE
moignage de la Iradilion. Mieux valait donc suivre slnclement les données d'une légende qui devenait seule responsable d'une infraction légère faite aux lois d'Âristote. » Ennii, le péril que court le jeune Horace au V= acte n'est point si insi- gnifiant qu'on veut bien le dire, et nous sommes, sur ce point, de l'avis de Geofl'roy, lorsqu'il écrit ^ : « Pourquoi donc un danger si réel dans Tbistoire serait-il un danger illusoire sur la scène? »
Corneille avait entrevu cette explication; mais, dans sa modestie, il n'y insiste pas. Peut-être eût-il pris plus d'assu- rance s'il avait mieux distingué l'unité d'intérêt de l'unilé d'action. Or, c'est moins à l'unité d'action qu'à l'unilé d'intérêt que s'attachent aujourd'hui nos auteurs dramatiques; ou plutôt c'est l'unité d'intérêt seule qu'ils reconnaissent, en lui sacrifiant les trois unités clasr.iques d'action, de temps et de lieu. 11 leur suffit qu'un héros central soit lame d'une pièce et que tout s'y rapporte à lui, quelque âge qu'on lui donne, en quelque pays qu'on le transporte et de quelques événe- ments qu'on le suppose l'auteur ou la victime. Au xvii siècle, au contraire, selon le mot de Napoléon I" à l'historien alle- mand MuUcr, la tragédie n'est pas une histoire, elle est une crise. Corneille ne pouvait donc invoquer pour sa défense une théorie dont il avait à peine le soupçon, bien loin d'en pré- voir la fortune future. Est-ce à dire pourtant que nous n'ayons pas le droit de l'invoquer pour lui? Parce qu'il a ignoré — mais pressenti peut-être — les libertés du théâtre moderne, est-ce une raison pour que nous n'en revendiquions pas le Dénéfice en faveur de ce grand esclave des règles, esclave révolté parfois? Bien plus, cette unité d'intérêt, qu'on croit une invention toute moderne, ne la voyons-nous pas triom- pher chez les Grecs eux-mêmes, chez ces Grecs dont on opposa plus d'une fois à Corneille les noms vénérés et les redoutables exemples? Dan?, Hécube, la plus pathétique peut- être des tragédies d'Euripide, l'observateur le moins atten- tif n'aperçoit-il pas du premier coup d'cil deux actions dis- tinctes, dont l'une a pour sujet l'immolation de Polyxène, l'autre la vengeance d'Ilécube sur le meurtrier de son fils Polydore? Ce qui se laisse voir chez Euripide, Corneille ne pouvait-il le deviner confusément? En tout cas, n'est-il pas excusable au même degré?
Mais quel personnage communique à la tragédie 1 unité
1. Cours de littérature dramatique. M. Mei-let, qui est de l'avis de GeolTioy. observe que Vissue du rombat est plus certaine encore que I issue du procès, V qu'on l'attend oependi'nt avec anxiété.
�� �