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ACTE IV, SCÈNE II i3»

Par qui les grands sont confondus; 1120

Et les glaiyes qu'il tient pendus

Sur les plus forLunés coupables

Sont d'autant plus inévilables

Que leurs coups sont moins attendus, figre altéré de sang, Décie inipitoyable, _ 1125

Je Dieu t'a trop longtemps abandonné les siens ; De ton heureux destin vois la suite eiiVuvable: Le Scythe va venger la Perse et les chrétiens. Encore un peu plus outre, et ton heure est venue;

Rien ne t'en saurait garantir; 1130

Et la foudre qui va partir,

Toute prête à crever la nue,

Ne peut plus être retenue

Par l'attente du repentir.

dit à peu près de même de la reine d'Ansfleterre : « Elle fut contrainte de paraître au monde et d'étaler à la France miiine, au Louvre où elle était née, toute l'étendue de sa misère. » (Oraison funèbre de Henriette de France.)

an. Pendus, assez rare poiiv suspendus. On a parfois rapproché de ce pas- sage les vers d'Horace :

Destrictus ensis oui super impia

Cervice pendet. {Odes, UI, 1.)

H23. J.-B. Rousseau, dit M. Géruzez, s'est souvenu de ce vers :

Tigre à qui la pitié ne peut se faire ealondre! (IV, 8.) Au reste, cette expression est déjà dans Horace, où Camille dit à son frère !

Tigre altéré de sang, qui me défends les larmes. (1287.)

Il est remarunable qu'en ce passage d'Horace comme en cet autre de Polyencte Cor- neille ail mis d'abord : « tigre alfamc de sang. » Altéré de sang est une leçon posléi ieure.

1127. Il semble qu'ici Polyeucte prenne le ton d'un prophète et que l'avenir se dé couvre devant lui. Ces mouvements lyriques ne surprennent point dans une situa- tion si vraiment tragique : comme Joud, Polyeucte peut prophétiser sans invrai- semblance, car déplus en plus sa foi s'exalte à l'approcfie de la crise suprême.

1128. C'est, en elVet, un an après la septième persécution contre les clirétiens, ordonnée par Décius, qu'une armée de Goths envahit la Tlirace et que l'empereur, après une première victoire, périt dans une bataille livrée sur le Danube. Cette idée, exprimée par Polyeucte, que Dieu vengea les chrétiens per.<-écutés en déchaî- nant sur les persécuteurs l'invasion des barbares, devait être reprise par Bo=suct, qui écrira plus tard : « Le glaive des barbares ne pnrdonne qu'aux chrétiens, et c'est seulement après l'inondation des barbares que s'achève entièrement la victoire de Jésus-Christ sur les dieux romains. » {Discours sur l'histoire univer- selle.) — • Ainsi, pour Corneille, les barbares devaient être les auxiliaires véri- tables et nécessaires du christianisme: il a senti qu'il n'y avait jamais eu d'al- liance possible entre l'empire et la religion nouvelle. ■> iDesjabdins, Le grand Corneille fiistorien.)

1129. Plus outre, plus loin ; la préposition outre est employée ici adverbiale- ment. M. Littré cite des exemples de cette tournure empruntes à Régnier, Des- cartes, Bossuet et d'Argenson. M. Marty-Laveaux remarque que cette locution ne s'emploie plus guère, mais que le Dictionnaire de l'Académie en donne un exemple sans dire qu'elle ait vieilli.

1132. On a déjà remarqué que les tournures tout prêt à et tout prêt de s'em- ployaient indiiïéremmeat au xtu* siècle.

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