Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/510

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14« POLYEUCTE

Est-ce là ce beau feu? sont-ce là tes serments.

Témoignes-tu pour moi les moindres sentiments?

Je ne te parlais point de l'état déplorable

Où ta mort va laisser ta femme inconsolable; 1240

Je croyais que l'amour t'en parlerait assez,

Et je ne voulais pas de sentiments forcés ;

Mais cette amour si ferme et si bien méritée

Que tu m'avais promise, et que je t'ai portée,

Quand tu veux me quitter, quand tu me fais mourir, 1245

Te peat-elle arracher une larme, un soupir?

Tu me quittes, ingrat, et le fais avec joie;

Tu ne la caches pas, tu veux que je la voie ;

Et ton cœur, insensible à ces tristes appas,

Se figure un bonheur où je ne serai pas! 1250

C'est donc là le dégoût qu'apporte l'hyménée?

Je te suis odieuse après m'être donnée !

POLYEUCTE.

Hélas!

PAULINE.

Que cet hélas a de peine à sortir! Encor s'il commençait un heureux repentir, Que, tout forcé qu'il est, j'y trouverais des charmes! 1255 Mais courage, il s'émeut, je vois couler des larmes.

POLYEUCTE.

J'en verse, et plût à Dieu qu'à force d'en verser Ce cœur trop endurci se pût enfin percer!

��— « C'est ici que se termine la première partie de la scène. C'est sur ce point que tout son elfort doit porter et aboutir. Quand vous voyez deux partenaires à rescrinie se tàtant du fleuret, ils montrent par leur attitude, par leurs feintes, qu'ils méditent un coup décisif. On l'attend, on le voit venir. Eh bien, c'est la même chose en cette scène. Elle doit marcher grand train à ce : Cruel, qui est le mot important, le mot caractéristique. » (M. Sabcey.) 1237. Corneille aime ces tournures interrogatives :

Quelle peur vons saisit? Sont-ce là ces grands cœurs? (Horace, 66S.)

iH3. Sur le genre du mot amour, voyez la note du v. 313.

\247. Var. Ta me quittes, ingrat, et mesmes avec joie. (1643-1666.)

1247. Pauline exagère, mais c'est la passion qui parle, et la pasBioo est ioi \uste.

1248. ia se rapporte h. joie, exprimé dans le vers précédent; mais avec joi Mt une locution adverbiale ; il semble dès lors qu'il soit peu correct de rattache te pronom à cette locuti m toute faite. Mais il y a chez Corneille d'assez nom* t)reux exemples de tournures analogues.

1253. Hélas est pris substantivement par Corneille.

Je n'en arrachai qne de profonds hélas. {Sophonisbe, 46S.) ilM- Yar. Bacore s'il maninait on beuretu repentir. (1643-1666.)

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