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Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/53

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INTRODUCTION 3?

gusle sérénité d'un magisirat, el comprend l'amour paternel même, non comme une passion, mais comme un devoir*. Tout a été dit sur le patiiolisme stoïque, mais large et clé- ment, de ce grand vieillard cornélien, digne frère des don Diè- gue et des Géronte, auxquels M. Saint-.Marc Girardin le com- pare, dans une page magistrale qu'on ne saurait paraphraser sans l'affaiblir :

« Dans Corneille, l'amour paternel a un caractère particu- lier de fermeté et de grandeur. Au premier abord, il semble que don Diègue et le vieil Horace manquent de tendresse; ils n'ont pas, du moins, ce qui chez nous passe pour le signe de la tendresse, je veux dire celle faiblesse et cette agitation que nous appelons sensibilité. Mais prenez ces grandes âmes dans les moments où elles ne se surveillent plus, dans les moments où quelque coup inattendu ôle à l'homme l'empire qu'il a sur lui-même; prenez le vieil Horace quand ses fds partent pour le combat :

Ah! n'attendrissez point ici mes sentiments : Pour vous encourager ma voix manque de termes : Mon cœur ne forme point de peusers assez fermes: Moi-même en cet adieu j'ai les larmes aux yeux. Faites votre devoir, et laissez faire aux dieux 2.

« Voilà la tendresse comme doit la ressentir une grands âme qui se trouble et avoue son trouble. Ce vieillard, qui paraît impitoyable et dur, sait même consoler sa fille et sa bru, et les consoler comme on console, c'est-à-dire en pre- nant part à leurs peines, en les ressentant. Ainsi, lors- qu'on dépit des lloraces et des Curiaces, Rome et Albe ont paru vouloH- chercher d'autres combattants:

Je ne le cèle point, j'ai joint mes vœux aux vôtres.

Si le ciel pitoyable eût écouté ma voix,

Albe serait réduite à faire un autre choix.

Nous pourrions voir tantôt triompher les Horaces

Sans voir leurs bras souillés du sang des Curiaces 3.

« Ainsi, tout Romain qu'il est, il aurait mieux aimé pour ses fds moins de gloire et moins de dangers, et il ne cache pas à ses filles la douleur qu'il a ressentie. Mais les dieux le veulent et la gloire de Rome l'ordonne: il se soumet. Dirons- nous pour cela que le vieil Horace aime mieux sa patrie qu'il

1. Saint-Marc Girardin : Cours de liUérature drMtatiaue. I. i.

2. Acte II, se. viii. •*>»».

3. Acte III, se. y.

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