Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/531

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE V, SCENE III i67

Vivez avec Sévère, ou mourez avec moi. Je ne méprise point vos pleurs, ni votre foi; 1610

Mais, de quoique pour vous notre amour m'entretienne, Je ne vous connais plus, si vous n'êtes chrétienne.

C'en est assez, Félix, reprenez ce courroux, Et sur cet insolent vengez vos dieux et vous.

PAULINE.

Ah! mon père, son crime à peine est pardonnable ; 1615

Mais, s'il est insensé, vous êtes raisonnable.

La nature est trop forte, et ses aimables traits

Imprimés dans le sang ne s'effacent jamais :

Un père est toujours père, et sur cette assurance

J'ose appuyer encore un reste d'espérance. 1620

Jetez sur votre fille un regard paternel : Ma mort suivra la mort de ce cher criminel; El les dieux trouveront sa peine illégitime. Puisqu'elle confondra l'innocence et le crime, Et qu'elle changera, par ce redoublement, 1625

En injuste rigueur un juste châtiment ; Nos destins, par vos mains rendus inséparables. Nous doivent rendre heureux ensemble, ou misérables ; Et vous seriez cruel jusques au dernier point. Si vous désunissiez ce que vous avez joint. 1630

��donne par devoir tout ce que l'autre avait par inclination. Mais l'adorer, c'est trop. » (VOLTAIRE.) Rien ne s'est-il donc passé depuis le premier acte? Voltaire confond le passé aven le présent. Au débat de la pièce, Pauline estimait seule- ment son mari, et le disait; maintenant, elle l'aime, et le dit; pourquoi ne pas l'en croire?

1600. « Tout le personnage de Polyeacte est dans ce vers: il veut que Pauline soit heureuse sur la terre ou dans le ciel. » (Saint-Marc Gibasdin, Cours de littérature dramatique.)

1611. De cjuoi qu'en ma favenr notre amour m'entretienne, Ta générosité doit répondre à la mienne. (Cid, 945.)

1612. C'est le fanatisme de la religion qui dicte à Polyeucfe ces paroles cruelles, comme le fanatisme de la patrie dictait à Horace son apostrophe célèbre à Curiace :

Albe Tons a nommé, Je ne toqs connais plus.

1614. Vos dieux et vous, allusion ironique à ce qu'a dit Félix au t. 1S66.

1617. La métaphore manque de netteté; on comprend que des traits, diS caractères, puissent s'imprimer dans une âme, capable de recevoir une empreinte profonde ; mais dans le sang?

1619. Il semble que Racine ait imité ce vers dans sa Phèdre i

Un père, en punissant, madame, est toujoars père. (III. 3.)

1625. « Il est triste que redoublement ne puisse se dire en cette i ccasion; Je sens est beau. » (Voltaire.) Le sens n'est pas seulement beau, mais très clair, et l'on comprend qu'il s'agit de la double mort de Polyeucte et de Pauline.

�� �